Summary: | Cette recherche suit la trajectoire de la catégorie savante et d’action publique des « relations interculturelles » en scrutant ses premières formulations dès la fin des années 1960, ses différentes formes d’institutionnalisation tout au long des années 1980 et en décrivant, jusqu’au tournant des années 2000, le processus d’invisibilisation dont elle fait l’objet. Elle analyse ses investissements savants, administratifs et politiques par divers acteurs, amenés dans le cadre de leurs activités respectives, à repenser la présence des immigrants dans la société française. Parce qu’ils logent la question des cultures des travailleurs immigrés au cœur de l’analyse, ces sociologues, pédagogues et agents administratifs reformulent la question de l’immigration en s’écartant à la fois d’une lecture en termes de classes sociales et d’une approche assimilationniste. Sont identifiées les conditions d’émergence d’une catégorie savante forgée par la mise en forme de savoirs critiques et celles d’une catégorie d’intervention publique réformatrice qui cible les représentations et mentalités pour éduquer une « opinion publique raciste ». L’enquête s’inscrit à la croisée de la socio-histoire des catégories et de l’étude de la construction des problèmes publics et s’appuie sur l’exploitation d’archives (en partie inédites) d’organisations publiques chargées, sous l’égide du ministère des Affaires sociales, de la mise en œuvre des politiques d’insertion et de promotion des relations interculturelles. Elle s’appuie aussi sur la littérature savante produites par les principaux promoteurs de cette cause, la littérature grise émanant de diverses instances de l’État et enfin des entretiens avec les promoteurs de la cause et des agents d’organisations publiques chargés de la mise en œuvre de la politique d’insertion. Ce matériau est exploité à partir de deux approches : l’analyse des rapports entre savoirs et action publique d’une part et celle des rapports entre organisations et action publique d’autre part. Ce faisant, la thèse démontre que si l’idéal de structuration de la société par des relations interculturelles harmonieuses, n’est pas resté inscrit durablement à l’agenda, la catégorie se cristallise de façon plus pérenne comme mode de régulation des interactions entre agents de guichet des services publics et administrés immigrés. Elle montre que l’institutionnalisation de ces savoirs dans une organisation aux marges de l’État et les modalités discursives et pratiques de mise à distance d’une « opinion publique raciste » contribuent à forger et à nourrir un antiracisme dépolitisé. En enquêtant sur une catégorie peu visible, la thèse donne à voir les processus de redéfinition de la frontière entre État et société au cœur desquels se trouve l’affirmation d’un rôle pédagogique de l’État. === This study follows the trajectory of the category of “intercultural relations”, both an academic and a public policy category. It analyses, in the French context, its first formulations in the beginnings of the 1960’s, its various forms of institutionalization along the 1980’s and describes its progressive invisibilization until the 2000’s. This study investigates the way different actors use this category in a scientific, administrative or political way in order to consider the presence of immigrants in the French society. The mobilization of this category led these sociologists, educationalists and civil servants to rethink the immigration phenomenon. Instead of looking at the dynamics of social classes or with an assimilationist view, they put the cultural dimension of immigrant workers’ presence in France at the heart of the analysis. At the centre of this study lies the analysis of the emergence of this scientific category coined via critical knowledge and used as a reforming public policy category which targets representations of a so-called “racist French public opinion”. The investigation is carried out at the crossroads of socio-historical analysis of a category and the study of the construction of policy problems. It is based on (partly unreleased) archives of public organizations, depending from the Ministry of social affairs, in charge of implementing insertion policies and promoting intercultural relations. This study also relies on the grey literature produced both by the main promoters of this cause, and various State agencies as well as interviews with both kinds of actors. These empirical data are examined through two approaches: first the analysis of the relations between knowledge and public policy; and second, the relations between organisations and public policy. The thesis shows that the idealistic dimension of this category promoting a harmonious management of intercultural relations has not been present very long in the government’’ agenda. However, this category has been used as a long-lasting regulation device for the interactions between street-level civil servants and immigrants constituents. It also shows that the institutionalization of this knowledge in an organization at the margin of the State and the strategies developed to fight a “racist public opinion” contributed to forge and feed a depoliticized antiracism. Investigating on a barely visible category, the thesis aims at giving an account of the process of the redefinition of the boundary between State and society which is at the heart of the pedagogical role of the State.
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