Summary: | Cette étude compare la pensée de Tocqueville et celle de Nietzsche sur la vie morale dans la démocratie libérale moderne à travers leur analyse de l’individu, de la famille et de l’État, ainsi que sur la vie intellectuelle à travers la philosophie, la science et l’art. En retraçant dans leur pensée le rôle de la liberté démocratique, par opposition à la liberté romaine, nous démontrons comment Tocqueville chercha à modérer la démocratie au nom de la justice, alors que Nietzsche prôna l’ « aristocratie radicale » afin de cultiver la grandeur. Nous soutenons l’opinion de Tocqueville selon laquelle non seulement la démocratie est inévitable et fondée sur la nature, mais la justice qui la caractérise est une forme de grandeur en soi. En outre, en mettant en relief un aspect de la pensée de Nietzsche similaire à celle de Tocqueville, ainsi que le concept d’ « individualisme », inspiré de Tocqueville lui-même, nous constatons également les tensions que Nietzsche ressentait vis-à-vis du monde d'inspiration romaine que son projet prônait. Nous rendons justice à la justesse et à la prescience de Tocqueville et nous utilisons la méthode de sa « science politique nouvelle » afin de révéler sous quelle forme une philosophie appliquée tocquevillienne peut se présenter aujourd'hui, à travers les phénomènes moraux et intellectuels dont nous traitons, tout en nous inscrivant dans le cadre des efforts néo-tocquevilliens actuels. Enfin, en combinant les prédictions de Tocqueville et l'influence de Nietzsche, nous montrons de quelle façon leur œuvre constitue un cadre de réflexion pour comprendre la modernité dans sa globalité et la direction dans laquelle nous nous dirigeons. === This study compares Tocqueville and Nietzsche's thought on moral life in modern liberal democracy through their treatment of the individual, the family, and the state, and intellectual life through philosophy, science, and art. By tracing the role of democratic versus roman liberty througout their thought, we demonstrate how Tocqueville sought to moderate democracy in the name of justice, as opposed to the "radical aristocracy" that Nietzsche promoted in order to cultivate greatness. We argue alongside Tocqueville that not only is democracy inevitable and grounded in nature, but that its very justice is a form of greatness in itself. Furthermore, by emphasizing a side of Nietzsche's thought which was similar to Tocqueville's, and on the concept of "individualism" even inspired by Tocqueville, we also see Nietzsche's own divisions vis a vis the opposing Roman-inspired world that his project promoted. Vindicating the accuracy and prescience of Tocqueville's thought, we use the method of his “new political science” in order to reveal what form a Tocquevillian applied philosophy may take today throughout the moral and intellectual phenomena we treat, while positioning ourselves among the current neo-Tocquevillian scholarship. Finally, by interweaving Tocqueville’s predictions and Nietzsche’s influence, we show how together they constitute a strikingly revealing framework for understanding modernity as a whole and where we are heading.
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