Summary: | Le concept de plasticité est progressivement devenu un concept théorique essentiel dans la biologie depuis le début du XXe siècle. Les biologistes s'y réfèrent aussi bien en biologie du développement, pour caractériser la potentialité des cellules à se diviser et à se différencier, en écologie, pour décrire la pluralité des formes observables pour une espèce donnée en fonction des environnements dans lesquels elle se développe, ou encore en génétique, pour préciser la manière dont l'information génétique peut être régulée. Certains auteurs en sont même venus à se demander si le concept de plasticité n'avait pas acquis aujourd'hui l'importance théorique qui avait été accordée au concept de gène en biologie au début du siècle précédent. Dans cette étude, nous proposons une analyse historique et épistémologique du concept de plasticité dans les sciences du vivant. Nous montrons que si le concept opératoire de plasticité sert à caractériser un paradigme épistémique donné - c'est-à-dire le maintien d'un usage singulier, désormais daté, du concept, fortement lié à l'émergence de la génétique -, la récurrence de l'idée générale de plasticité, tout au long de l'histoire des sciences du vivant, signale son caractère essentiel pour envisager certains phénomènes du vivant. Cette étude montre également que si le concept de plasticité est devenu un élément-clé pour penser une « synthèse étendue» de l'évolution, son importance heuristique pour la biologie contemporaine ne se limite pas à cette seule ambition: tel qu'il est mobilisé dans la biologie contemporaine, le concept de plasticité cherche le plus souvent à rendre compte d'une spécificité du vivant. === Since the early twentieth century, plasticity has gradually become an important theoretical concept in biology. Biologists refer to it either in developmental biology, to characterize cells potential to divide and differentiate, or in ecology to describe the diversity of observable forms for a given trait in environments in which the species develop, or even in genetics to describe how genetic information can be regulated. Some authors have even come to wonder whether the concept of plasticity have not nowadays acquired the theoretical importance that was given to the concept of the gene in biology at the beginning of the previous century. In this study, we propose a historical and epistemological analysis of plasticity in life sciences. We show that if the operating concept of plasticity characterizes a given epistemic paradigm - that is to say, the continuity of a certain use, now dated, of the concept, closely linked to the emergence of genetics - the recurrence of the general idea of plasticity, throughout the history of life sciences, indicates its essential role in the way we think of life processes. The study also shows that although plasticity has become a key element in order to think about an "Extended Eynthesis" in evolution, its heuristic importance for contemporary biology is not limited to this single ambition: as it is mobilized in contemporary biology, the concept of plasticity most often seeks to account for the specificity of living systems.
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