Summary: | Comment s’articulent, autour des rapports entre l’homme et la nature, les pratiques scientifiques du naturaliste et du géographe, une pensée politique s’étendant du libéralisme à l’anarchisme et un style d’écrivain ? C’est la question que posent, singulièrement à la forme de l’essai, les œuvres d’Alexander von Humboldt (1769-1859), de Henry David Thoreau (1817-1862) et d’Élisée Reclus (1830-1905). Dans un large XIXème siècle à envisager comme période révolutionnaire marquée par l’effacement des terræ incognitæ, le recul de la nature « sauvage » et les soubresauts économiques et politiques (Révolution Industrielle et révolutions politiques faisant se succéder les régimes), ces figures qu’il faut relire comme d’authentiques écrivains allient au sein d’une politique de la nature la géographie de la Terre à celle de l’Homme, et leurs expériences personnelles de la nature (du voyage d’exploration à l’habitat) à une pensée de la communauté allant et venant de l’individu à l’humanité, du micro- au macrocosme. Héritiers des Lumières luttant contre l’esclavage, le despotisme et le colonialisme, qu’ils documentent, ces essayistes qui refusent de laisser la science aux mains d’une caste positiviste et ethnocentriste sont les vulgarisateurs et les prophètes d’une démocratie littéraire en construction. Ils sont les pionniers d’une exploration moderne des rapports entre écriture et connaissance, les témoins essentiels d’une différenciation des savoirs que leur pratique littéraire universaliste entend conjurer. Tout l’enjeu consiste à perpétuer une approche de la nature comme un ensemble (cosmos) au moment même où elle se trouve, en tant qu’objet, divisée entre création littéraire et savoir savant. A l’aube de l’écologie littéraire et dans cette description d’un monde où chaque chose dépend de chacune des autres, la pratique de l’essayiste semble être la seule à pouvoir porter ce discours complexe, à la fois politique, scientifique et littéraire. === How can the naturalist’s and the geographer’s scientific enquiries, a political thought ranging from liberalism to anarchism, and a writer’s style all revolve around the relationship between Man and Nature ? Such is a question raised —especially with regards to the Essay genre— by the works of Alexander von Humboldt (1769-1859), Henry David Thoreau (1817-1862) and Élisée Reclus (1830-1905). Within the bounds of a longer 19th century, which can be seen as an age of revolutions marked by the fading off of terræ incognitæ, the dwindling of the Wilderness, and a series of economical and political fits (Industrial and Political revolutions triggering the succession of strings of regimes), it appears critical to reconsider these names as those of genuine authors. From the heart of a politics of nature, they bind together the geographies of Man and the Earth, and their personal experience of Nature (as explored or inhabited) with a thought of community ceaselessly shifting from the Individual to the Human Kind, from the Microcosm to the Macrocosm. These Essay writers are the heirs of the Enlightenment in their struggle against slavery, despotism and colonialism (which they document); they object to leaving science in the hand of a positivistic, ethnocentric caste —they are the authors of popular sciences and the prophets of a literary democracy in the making. They are the pioneers of a modern exploration of the relationship between writing and knowledge, the crucial witnesses of a gradual differentiation of sciences that their universalistic literary paradigm sets out to avert. The ultimate point is to carry on approaching Nature as a whole (cosmos) in an era bringing about its division, as an object, into two separate categories of literary creation and scholarly knowledge. In the dawning light of literary ecology, and in this world description in which all things depend on all things, the work of the Essay-writer seems to be the only one able to voice this complex speech, made of politics, science and literature all together.
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