Summary: | Les romans de Powers, Auster et Wideman sont travaillés par l’image et hantés par l’histoire. Au fil des pages, photographes, peintres, spectateurs visionnaires ou témoins aveugles signifient la toute-puissance d’une image qui, bien souvent, scelle la rencontre du regard et du passé. L’entrée dans l’image est aussi entrée dans l’histoire événementielle, et l’histoire quant à elle ne se donne à voir que sous forme d’image, photographique, picturale ou langagière. Cependant, l’image, qu’elle soit littérale ou littéraire, oppose une temporalité propre au temps de l’histoire : conjonction précaire du passé et du présent, simultanéité de temporalités disjointes, l’image, par son hétérogénéité même, disloque le cours de l’histoire. Dans les six romans de Powers, Auster et Wideman qui constituent le corpus de cette thèse, l’image apparaît alors comme le lieu de la conversion du temps chronologique en temps imaginaire ; par le truchement de l’image, le temps des horloges est suspendu tandis qu’afflue celui de la fiction. En reconfigurant le temps, l’image politise l’écriture des trois écrivains : parce qu’elle est en excès de tout discours historiciste, elle fait exploser les mythes fondateurs de l’Amérique et les postulats d’une histoire orientée. Elle démonte le discours du progrès chez Powers, brouille le code des couleurs chez Wideman, et vide le symbole de sa force consensuelle chez Auster. Elle ouvre un temps convulsif à l’intérieur du temps chronologique, et engage, par sa forme même, le regard qui se pose sur elle. Parce qu’elle est force explosive et fictionnante, l’image engendre alors une communauté qui ne communie plus autour de mythes et de symboles, mais s’éprouve en tant que fiction ; l’image apparaît ainsi comme une image « en reste », un résidu et une réserve qui désœuvre la communauté, défait toute clôture narrative et totalité organique, et réinvente les imaginaires du commun. === Auster’s, Power’s and Wideman’s novels are wrought by images and haunted by history. Page after page, photographers, painters, visionary onlookers, or blind witnesses testify to the might of images that force the gaze to confront the past. Entering an image also means entering history and history, in its turn, reveals itself under the form of photographic, pictorial, or verbal images. However, the image, whether literal or literary, pits its own temporality against the time of history : a tenuous conjunction of past and present, a simultaneous combination of disconnected temporalities, the image, by its very heterogeneity, disrupts the flow of history. In the six novels by Paul Auster, Richard Powers, and John Edgar Wideman that make up the corpus of this dissertation, the image then is the crux where chronological time is converted into imaginary time; through the image, clockset time is suspended while the time of fiction flows in. By rearranging time, the image politicizes the writings of these three authors: because it exceeds historicist and positivist discourses, the image blows apart the founding myths of America and the premises of a biased history. In Powers’s novels, it debunks the discourse of progress, in Wideman’s it blurs the code of colours , and drains the symbol of its consensual strength in Auster’s. The image opens up a convulsive time within chronological time and by its sheer form, commits the gaze that rests on it. Because of its explosive and fictional strength, the image begets a community that no longer communes around myths and symbols but experiences itself as fictional ; a lingering image, a remnant and a supply of meaning, it makes the community inoperative, as it undermines narrative closure and ruins any notion of an organic whole, thus crafting new forms of poetic commonality.
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