Summary: | Lorsque William Randolph Hearst prit les rênes, en 1887, d’un petit quotidien sans envergure, personne ne fit grand cas de ce jeune nanti admiratif du travail de Joseph Pulitzer. Vingt ans plus tard, W. R. Hearst était à la tête d’un empire médiatique considérable et d’un pouvoir politique incontestable. Dans cet intervalle, les États-Unis, la presse, et William Randolph Hearst connurent des destins liés. Les États-Unis, d’abord, entrèrent de plain-pied dans ce qui allait devenir le siècle américain, avec leur puissance économique industrielle, et un statut de puissance coloniale acquis à la faveur de la guerre hispano-américaine en 1898. La presse, quant à elle, connut des bouleversements majeurs et une vigueur sans cesse alimentée par toujours plus de modernité. Hearst, enfin, construisit un parcours atypique, au point de rencontre entre médias et politique, couronné d’immenses succès comme de cuisantes défaites. Divertissant pour les uns ou effrayant pour les autres, il n’en porta pas moins les espoirs d’une frange encore silencieuse de la population, et fit de sa vie publique une histoire à rebondissements, non sans rapport avec le journalisme "jaune" qu’il érigea en éthique et en arme politique, malgré les critiques. Au-delà de la fascination, de la caricature, ou du jugement sans concession, le parcours médiatico-politique de Hearst mérite un réexamen qui prend en compte les transformations profondes de la société américaine. Sans le concours opportun de ces dernières, sa trajectoire n’aurait pas le même impact en tant que part significative, si ce n’est, sur bien des aspects, emblématique, du destin tumultueux de la nation américaine entre XIXe et XXe siècles. === In 1887, when William Randolph Hearst became the editorial head of a small daily in San Francisco, no one bothered to notice this well-off young man who admired Joseph Pulitzer’s work. Twenty years later he reigned over a gigantic media empire and held an unquestionable power in politics. In the meantime the paths followed respectively by the United States, the press and W. R. Hearst crossed many times. The United States fully entered what was to become the American Century as a prominent economic, industrial and colonial power, after the 1898 Spanish-American War. The American press underwent dramatic breakthroughs, and was vigorous as ever thanks to unceasing innovations and growing business-oriented practices. Hearst constructed an original career, at the crossroads of media and politics; he knew great successes, bitter defeats and disappointments. Entertaining to some, frightening to others, he was nonetheless the focus for the aspirations of a silent fringe of the population, and conceived his public life as a true story with twists and turns, similar to the stories accounting for the success of "yellow journalism" that constituted Hearst’s ethics and political weapon of choice, despite many criticisms. Beyond fascination, caricature or hasty judgments, his career deserves a reassessment that takes into account the changes affecting the core of American society. Without the help, intended or not, of those major transformations, Hearst’s adventure might not have left such a strong mark on his country’s history: a significant part of the bustling destiny of the United States at the turn of the XXth century, it is also, in many respects, an emblematic one.
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