De la construction des identités féminines : Regards sur la littérature francophone de 1950 à nos jours

L’étude des différentes représentations des femmes, qu’elles interviennent à un niveau social, corporel ou encore linguistique, amène, dans le contexte littéraire, à interroger le concept d’identité. Ce « mot-valise », au sens de Jean Petitot-Cocorda, appartient au patriarcat, ce qui signifie que la...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Barthelmebs-Raguin, Hélène
Other Authors: Mulhouse
Language:fr
Published: 2012
Subjects:
Online Access:http://www.theses.fr/2012MULH4472/document
Description
Summary:L’étude des différentes représentations des femmes, qu’elles interviennent à un niveau social, corporel ou encore linguistique, amène, dans le contexte littéraire, à interroger le concept d’identité. Ce « mot-valise », au sens de Jean Petitot-Cocorda, appartient au patriarcat, ce qui signifie que la notion d’identité elle-même a été pensée, élaborée par les hommes pour les hommes, que le mot même d’’identité appartient à l’univers sémantique masculin. Lorsque nous cherchons à définir l’identité féminine, nous sommes pris au piège de la langue élaborée par le patriarcat, car la notion d’identité fonctionne pour le Masculin, et ne peut donc pas, dans une approche qui revendique l’autonomie, être signifiante pour les femmes puisqu’elle n’a pas été pensée pour elles. Il y a une forme d’impasse à rechercher une identité stable et universalisable des femmes. Le présent travail de thèse se propose d’explorer les différents prismes sous lesquels des auteures francophones mettent en tension le Féminin afin de repenser le concept même d’identité depuis les années 1950, i.e. après la publication du Deuxième sexe (1949) de Simone de Beauvoir, qui marque la genèse des études anti-essentialistes. Dans le panorama de la terminologie critique utilisée dans les études du genre, les Gender studies, c’est la Littérature de femmes qui nous intéresse : elle consiste en la revendication d’identités des femmes qui leur soit propre, selon une perspective féministe différentialiste. Les auteures relevant de cette catégorie tendent à analyser une transcription du Féminin dans le texte, à l’y incarner, par le biais d’une esthétique spécifique. Ainsi, l’identité féminine littéraire consiste en une polysémie, une pluralité, préparant une identité « ouverte », inscrite « activement » dans les textes par les auteures (les thématiques traitées, les structures narratives...). Elle s'y inscrit aussi « passivement », par exemple par l’usage féminin de la langue, la présence du corps de l'auteure dans le texte. Il s’agit de déplacer les perspectives féministes pour en arriver à une circonscription féminine plus globale dans laquelle texte et auteure seraient indissociables. Les auteures étudiées, Corinna S. Bille, Nina Bouraoui, Assia Djebar, Jacqueline Harpman, Anne Hébert, Alice Rivaz, Gabrielle Roy et Marguerite Yourcenar, tendent à développer une véritable esthétique littéraire qui se place en faux par rapport à la logique sociale totalisante. Dans cette perspective, les femmes ne sont pas ramenées, réduites, à leur essence, c’est-à-dire à leur sexe biologique. Le Féminin, tel que l’envisagent nos auteures, est le produit d’une réflexion, d’une exploration du Moi, qui va des problématiques sociétales traditionnelles, représentées sous l’angle des thématiques abordées, à l’investissement d’une langue d’expression innovante et dépassant les clivages classiques autour du binôme « Masculin / Féminin ».Il ne s’agit plus, pour lors, de s’approprier la « langue de l’autre », mais bien de trouver la sienne propre. Nous sommes loin de l’archétype patriarcal qui bâtit et préétablit à l’existence et à l’écriture, les identités figées et prescrites des femmes. Comme nous le verrons, ces identités ne s’inscrivent plus dans une invariance de l’objet « femmes », mais les fondent souverainement dans leurs œuvres et par leurs écritures. Elles participent ainsi activement à une nouvelle définition de leur genre. Le déficit identitaire se comble par le recours aux caractéristiques féminines (oralité, nature, sexualité, etc.) différentes pour accéder à un tout définitoire ; dans ce corpus, il ne s’agit plus d’écrire comme ou contre les hommes, mais de s’émanciper de la langue patriarcale en incorporant les éléments textuels et linguistiques qui participent à la construction d’identités féminines composites. === The study of different representations, whether at a social, body or linguistic level, leads us to question the very concept of identity in literature. That “portmanteau word” – “mot-valise” in the meaning set out by Jean Petitot-Cocorda – belongs to Patriarchy, which means that the notion of identity itself has been (culturally) constructed by men for men, and the very word identity belongs to the semantic and existentialist masculine world. When we try to define feminine/female identity, we are trapped by the language constructed by patriarchal culture: the notion of identity is relevant for the Masculine and cannot be autonomously applied to women, since it has not been thought out for them in the first place. Therefore we reach a deadlock, as it were, when seeking a fixed, universal identity of women. This thesis will explore the different prisms through which French-speaking female writers put women’s identities into words and set them into tension so as to rethink the very concept of identity. Such process started in the 1950s with the publication of Le Deuxième sexe (1949) by Simone de Beauvoir, which marked the beginning of anti-essentialist studies.In the panorama of the terminology used in Gender studies, our attention will focus on Women’s literature, which implies claiming the existence of specific women’s identities from a differentialist feminist viewpoint. Female writers belonging to that category tend to analyze how the Feminine is conveyed into words in the text, to embody it, through a peculiar aesthetic. Thus woman’s identity in literature is based on polysemy and plurality, leading to an “open” identity, inscribed “actively” in the text by women writers (themes, narrative structures, etc.) and “passively” (for example, through a feminine use of language, the presence of the female writer’s body in the text, etc.). We have to shift feminist perspectives in order to achieve a more comprehensive feminine definition, in which text and writer are indissociable.The female authors included in our corpus (Corinna S. Bille, Nina Bouraoui, Assia Djebar, Jacqueline Harpman, Anne Hébert, Alice Rivaz, Gabrielle Roy and Marguerite Yourcenar) strive to develop a real literary aesthetic which is at odds with a rule-complying social model. From that viewpoint, women are not reduced to their essence, that is to their biological sex. The Feminine, as it is considered by our authors, is the result of a process of reflection and self-exploration, involving traditional societal issues (as figured in the themes dealt with), as well as an innovative literary language, capable of going beyond the classical dichotomy between masculine and feminine.Therefore, the aim is no longer to take possession of the “language of the other”, but to find one’s own. Therefore, we are distant from the patriarchal archetype constructing, and pre-establishing, fixed identities for women’s existence and writing. As we will see, such identities are no longer inscribed in the tradition of the objects “women”: they try to forge a new object in their writing, and in so doing they end up redefining their genre. In order to make up for the lack of “identity landmarks”, they resort to specific feminine features (oral language, nature, sexuality, etc.) so as to reach a definition of a Whole. The aim is no longer to write like men or against men, but to write women out of the patriarchal language by introducing in their texts those feminine elements capable of building a multifaceted feminine identity.