Summary: | Ce travail propose une réflexion menée à la croisée d'une sociologie des émotions, objet principal de la recherche, et d'une sociologie de l'art. En effet, la représentation d'un ballet romantique, Giselle, de Jules Perrot et Jean Coralli et d'un ballet contemporain, MayB, de Maguy Marin, forme le terrain de l'enquête. L'enjeu de l'analyse a consisté à rendre visibles les différents mouvements des émotions, à l'œuvre lors d'une soirée chorégraphique. D'un côté, le mouvement des danseurs sur la scène, qui, s'appuyant sur la technique corporelle, mais aussi la musique, le récit, les costumes et les décors, confectionnent les émotions. D'un autre côté, le mouvement des pensées, visibles chez les danseurs comme chez les spectateurs, à travers une sorte de dialogue intérieur participant à la fabrication des émotions individuelles. Enfin, le mouvement collectif des émotions échangées entre les danseurs et les spectateurs, dans un va-et-vient permanent, nécessaire à la construction de la matière chorégraphique. La méthodologie, qualitative, a été constituée de manière à saisir les différents temps de cette confection émotionnelle. Les observations directes, réalisées durant les répétitions, permettent de saisir, en amont, comment une technique de danse fabrique les émotions. L'observation participante lors des spectacles offre l'illustration, intime, du vécu corporel et émotionnel d'un spectateur : le ballet devient expérience, les spectateurs, acteurs de la soirée en train de se faire. Enfin, les entretiens, réalisés auprès des danseurs et des spectateurs, fournissent une matière sensible à la réflexion, tournée vers une sociologie compréhensive. Au final, la thèse présente les émotions comme « le corps » des relations sociales. Au travers elles, les individus se saisissent les uns des autres, soulignent leurs différences ou leurs similitudes, s'adaptent ou non au groupe, selon la « prise » ou la « déprise » des émotions du ballet sur eux. === This study stands at a crossroads between a sociology of emotions – the main focus of our research – and a sociology of art. The survey here presented is grounded in two dance performances, the romantic ballet Giselle, by Jules Perrot and Jean Coralli on the one hand, and on the other hand, the contemporary dance performance MayB, by Maguy Marin The point of this analysis was to bring out the various movements of emotion at play in the course of a choreographic performance. First, I have studied the dancers' movements on stage, which, while resting on the body's technique as well as the music, the story, the costumes and the decors, participate in the making of emotions. Second, I have delved into the movement of thoughts, perceptible in the dancers and in the audience, via a kind of interior dialogue which takes part in the making of various emotions. Last but not least, I have looked into the collective and continuous flow of emotions moving back and forth between the dancers and the audience, and which is necessary for the construction of choreographic material. The methodology here used is a qualitative one, aiming to grasp the various moments in the making of emotions. Direct observations carried out during rehearsals allow for a prior understanding of how a dance technique can create emotions. Participatory observation during the performances grants an intimate illustration of the physical and emotional response of a spectator: the ballet becomes experience and the spectators become actors of the evening in the making. Finally, the audience and dancers' interviews offer food for thought, building towards a comprehensive sociology. In the end, this thesis presents emotions as “the body” of social relationships. Through them, individuals take hold of one another, underlining their differences or similarities. They adapt to the group or they do not, depending on the hold the emotions of the ballet may have on them.
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