Summary: | Dans le sillage des guerres totales et des génocides du XXe siècle sont apparus des ouvrages d’un genre nouveau : les témoignages. Ils sont le fait d’hommes et de femmes survivants d’une violence politique extrême qui, endossant le rôle de témoins, ont entrepris de faire connaître leur expérience au plus grand nombre en rendant compte par écrit des sévices endurés. Leur mission : attester ce qu’ils ont vu et subi, rendre hommage aux disparus, initier un questionnement sur les mécanismes ayant conduit au meurtre de masse, et opposer aux tentatives de destruction de l’humain et de sa culture une réflexion sur le vivre-ensemble et la dissolution toujours possible des liens sociaux les plus fondamentaux. Le corpus légué par ces témoins constitue l’objet d’étude de cette thèse de doctorat, qui poursuit un double objectif : décrire, sur la base d’une lecture minutieuse des textes, partiellement assistée d’outils d’analyse textométriques, les principales caractéristiques du genre, et poser les jalons d’une histoire du témoignage et de sa réception, publique et critique, à partir de récits faisant état d’expériences aussi diverses que celles du feu pendant la Grande Guerre, de l’univers concentrationnaire sous le régime nazi et de la violence coloniale en Algérie. Comprendre ce qui spécifie génériquement ces textes au-delà de la diversité des œuvres et des événements dont elles sont issues, suppose de dégager le projet commun qui les sous-tend et les constitue en lignée, étant entendu qu’un genre ne se définit pas en fonction de critères ontologiques immuables. Il apparaît dans des circonstances socio-historiques précises, et se déploie à un niveau d’interférences sémiotiques qui justifie cette double approche, philologique et historique. === Books of a new kind appeared out of the total wars and genocides of the twentieth century – testimonies. They are written by male and female survivors of extreme political violence, who, taking on the role of witnesses, decided to share their experiences with others by writing of the suffering they had undergone. Their mission consists in testifying what they saw and experienced, paying tribute to those who did not survive, questioning the mechanisms which led to mass murder, and opposing to the attempts to destroy human beings and their culture a reflection about living together and the ever-present possibility of the most fundamental social relationships falling apart. The corpus left by these witnesses is the object of study of this PhD dissertation, which has two aims: to describe, based on a close reading of the texts, partially aided by the tools of textometric analysis, the main characteristics of the genre, and to create the basis of a history of testimonies and their public and critical reception, using accounts which reveal such diverse experiences as trench warfare during the World War One, the concentration camps of the Nazi regime, and colonial violence in Algeria. In order to understand the generic specificity of these texts going beyond the diversity of the works and the events they proceed, it is necessary to define the underlying common project which forms a tradition, given that a genre is not defined according to unchanging ontological criteria. It appears in precise socio-historical circumstances, and is situated at a level of semiotic interference which justifies this dual philological and historical approach.
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