Summary: | L'opinion publique exerce une pression plus ou moins constante sur les systèmes politiques. Partout dans le monde les fièvres électorales galvanisent les foules au moment d'élections majeures, rappelant que les peuples ne sont pas indifférents à la façon dont ils sont gouvernés. L'opinion publique concerne ainsi tous ceux qui vivent en société. Analyser le mécanisme de fabrication de l'opinion permet de comprendre ce qui « se pense » à un moment précis dans une société donnée et pourquoi. La société réunionnaise, par l'originalité de son peuplement et la jeunesse de son histoire, se révèle un sujet d'étude particulièrement intéressant. Existe-t-il une opinion publique réunionnaise et comment se caractérise-t-elle ? C'est ce que cette thèse se propose de découvrir. De 1974 à 1995, La Réunion connaît de profonds bouleversements politiques, économiques et sociaux. Ce développement à marche forcée se traduit par une profonde mutation de l'opinion publique réunionnaise. L'apparition du Quotidien de La Réunion dans le paysage médiatique local en 1976 joue un rôle crucial dans cette évolution en imposant le passage d'une presse d'opinion à une presse d'information. Mais en dépit de l'impulsion lancée par Michel Debré au début des années 1960, la société réunionnaise souffre encore d'un important retard économique et social à la fin des années 1970. La définition statutaire de l'île envenime les débats et voit s'affronter autonomistes et départementalistes. La question du statut se heurte à l'élaboration d'une identité complexe et au choix cornélien d'un modèle de développement. Partagée entre ses liens culturels avec les pays de la zone océan Indien et ses liens historiques avec la France métropolitaine, l'identité réunionnaise ne peut échapper aux enjeux politiques qui la tiennent prisonnière d'une controverse obsessionnelle. L'élection de François Mitterrand incite le Parti Communiste Réunionnais à abandonner la lutte autonomiste, ce qui met fin à la bipolarisation de la société réunionnaise. La « libéralisation des ondes » en 1981 puis la création illégale de télé Free Dom en 1986 confirment le besoin d'expression des Réunionnais. Le renouvellement culturel dessine les bases d'une nouvelle identité créole. Mais les émeutes liées à la saisie des émetteurs de la télé pirate, en 1991, soulignent les fragilités et les contradictions de la société réunionnaise. Les événements du Chaudron, loin de se réduire aux scènes de violence et de pillage, ont peut-être été le point d'orgue d'une crise identitaire interpellant cette société réunionnaise à la recherche d'elle même, mais qui désormais revendique sa double appartenance à l'espace européen et la zone océan Indien. === Public opinion more or less exerts pressure on political systems, for people feel concerned about the way they are ruled. Hence the theme of public opinion underlies any society. Analysing the making of opinion enables one to understand which are the ideas of a society at a precise time. Because of its particular populating and recent history, the Reunionese society is a highly interesting topic to work on. Our purpose is to look for the existence of a Reunionese public opinion and its characteristics. As far as political, economical and social fields are concerned, Reunion island underwent deep changes from 1974 to 1995. The Reunionese public opinion largely changed throughout that development process. In 1976, the creation of the Quotidien de La Réunion newspaper had a lead role in that evolution. The opinion press thus gave way to information press. But in the late 1970's, the Reunionese society was still lagging behind in the economical and social fields, in spite of Michel Debré’s instigation at the beginning of the 1960’s. The debates between the autonomists and the departmentalists about the future status of the island grew more bitter since the issue of the status had to take into account the elaboration of a complex identity and development strategies. The political stakes trapped the Reunionese identity – culturally linked to the Indian Ocean area countries but historically linked to continental France, within a controversy with no way out. François Mitterrand’s election drove the Reunionese communist party to give up the struggle for autonomy, and as a consequence to put an end to the splitting into two opposing blocks of the Reunionese society. The 1981's “radio broadcasting liberalisation” followed by the illegal creation of Télé Free Dom in 1986 confirmed the need for expression felt by the Reunionese people. One could detect a new Creole identity through that cultural renewal. The 1991's events showed violence and looting scenes but all the more highlighted the frailties and contradictions of the Reunionese society. Those events might have been the climax of an identity crisis of a society in search of its bases but that now claims for roots both in the European and the Indian Ocean cultural and economical spheres.
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