Summary: | Cette thèse consiste à étudier le motif de la lumière dans l’œuvre poétique de Verlaine. La notion de motif dans la perspective thématique que nous avons adoptée et qui est définie principalement par Jean-Pierre Richard dans L’univers imaginaire de Mallarmé et dans Microlectures s’étend à un ensemble de termes qui, de par leur sens et leur référence, entretiennent entre eux des rapports variés et assurent à une œuvre sa cohésion. Ces termes, tout en renvoyant à une même notion, en l’occurrence la lumière, se métamorphosent au fil du texte et apparaissent sous des formes variées. Nous nous sommes fixés pour objectif de les repérer et d’étudier leur variation et leurs fonctions. Le poète adopte face à la réalité une attitude négative se caractérisant par le repliement sur soi et l’abandon. L’espace chez lui qu’il soit ouvert ou fermé est oppressant et le temps, associé souvent au passé, est synonyme de perte et de déception. De nombreux poèmes, surtout au début de l’œuvre, reflètent cette impression d’inertie et de défaillance. Mais malgré la forte présence lyrique, l’expression toujours suggestive ne se laisse pas dominer par le discours. A cette négativité, le poète associe la noirceur. Toutes les lumières dans ces poèmes sont sombres ou faibles. Les occurrences qui relèvent de cette tonalité sont de loin les plus nombreuses. Leur mise en œuvre et leur fréquence témoigne de l’importance que Verlaine accorde à l’esthétique. Mais le lyrisme de Verlaine est aussi celui de la célébration. La plus grande partie de son œuvre est composée de portraits et d’autoportraits. Dans cet ensemble où sont célébrés Dieu, les héros, les femmes, etc. Verlaine choisit l’envers de la discrétion. Il emploie des procédés qui favorisent l’exagération. Les portraits idéalisés sont sa manière de manifester sa quête d’altérité. L’expression exagérée caractéristique de ces poèmes engage des lumières fortes, lumineuses, blanches…Mais dans un certain nombre de poèmes, Verlaine rompt entièrement avec tout héritage poétique et a écrit une poésie qui tente de saisir la réalité dans sa fuite et dans sa métamorphose. Il adopte une voie intermédiaire qui soumet le langage aux exigences de l’artiste. Certaines lumières elles-mêmes changeantes et indéterminées peuvent en effet répondre à ce besoin. Ce besoin d’interroger le langage est en réalité commun aux poètes de la deuxième moitié du XIXème siècle. L’époque se caractérise par une évolution des goûts et des idées, mais aussi par un sentiment d’inquiétude face à la modernité naissante. Cette évolution et ce malaise sont perceptibles chez Verlaine. Celui-ci atteste de sa modernité en plaçant son art sur la frontière de ce qui est dit et de ce qui est tout simplement suggéré. L’existence de cet art dépend en fait de la complicité qui s’instaure par-delà les mots entre le poète et le lecteur. Si Verlaine semble gagner le pari d’une réception large, c’est grâce à cette poétique de l’indétermination et de la suggestion. === This thesis consists in studying the motif of the light in the poetry of Verlaine. The concept of motif in the thematic approach we have adopted and which is defined principally by Jean-Pierre Richard in L’univers imaginaire de Mallarmé and in Microlectures extends to a set of terms which, by their sense and reference, have various connections between them and ensure the work cohesion. These terms, while referring to a same notion, in this case the light, are transformed in the text and appear under various forms. We have set as a target to identify them and to study their changes and their functions.In the face of the reality, the poet adopts a negative attitude characterized by self-absorption and abandonment. The space that is open or closed is oppressive and the time, often associated with the past, means loss and disappointment. Many poems, especially at the beginning of the work, reflect this sense of inertia and failure. But despite the strong lyrical presence, the constantly suggestive expression cannot be dominated by the speech. The poet combines the dark with this abandonment. All the lights in these poems are dark and low. Occurrences that are related to this tone are by far the most numerous. Their use and their frequency reflect the importance that Verlaine attaches to the forms.But the lyricism of Verlaine is also the lyricism of celebration. The major part of his work is composed of portraits and self-portraits. In this set where God, heroes, women… are celebrated, Verlaine chooses the explicit expression. He uses processes that support the exaggeration. The idealized portraits are his way of showing his quest for otherness. The expression in these poems involves bright, shining and white lights.But in some poems, Verlaine breaks completely with poetic legacy and wrote a poetry that attempts to grasp the reality in its movement and its metamorphosis. He adopts a middle way that meets the needs of the artist. Some lights, themselves unstable and indeterminate, can meet this need. The need of asking language is in fact common to the poets of the second half of the nineteenth century. The era is characterized by changing tastes and ideas, but also by a concern about the emerging modernity. This development and this discomfort can be perceived in the poetry of Verlaine. The Verlaine modernity appears between what is said and what is just suggested.In fact, the existence of this art depends on the complicity that exists beyond the words between the poet and the reader. Verlaine seems to meet the challenge of a large reception thanks to the poetics of indeterminacy and suggestion.
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