Summary: | Les œuvres de John Dos Passos [1896-1970] sont souvent étudiées à l’aune – ou à l’ombre – de son parcours politique. L’enjeu de cette thèse est de revenir sur ce lien entre fiction et politique, en partant non plus des positions politiques de l’auteur mais des œuvres elles-mêmes, pour analyser si et en quoi la fiction peut se faire politique. Des romans de jeunesse aux œuvres de la maturité [notamment Manhattan Transfer et la trilogie U.S.A.], Dos Passos construit sa critique politique, fondée sur la remise en cause du récit linéaire. Il remplace la « destinée manifeste » de l’Amérique par le portrait des « deux nations » qui la composent, et travaille le genre du roman pour le défaire de sa dimension providentielle. En mettant à l’épreuve l’intrigue, le protagoniste et la temporalité, il inscrit cette critique politique au cœur même de l’écriture, et invite à porter un nouveau regard sur les œuvres politiques de l’entre-deux-guerres, et sur les liens entre modernisme et radicalisme, dénoués par la critique de la Guerre Froide. Ses œuvres mettent en scène la difficulté de construire une littérature protestataire dans un pays fondé sur des idéaux démocratiques. Plutôt qu’un perpétuel retour au mythe des origines, cependant, elles mettent en place un véritable dialogue avec les textes fondateurs, dialogue au sein duquel la fiction fait peu à peu émerger, entre les lignes, le non-dit du politique === The novels of John Dos Passos [1896-1970] are often analyzed with reference to his politics. This dissertation aims to recast the link between politics and fiction in his work, starting from the texts themselves rather than from the author’s political pronouncements, to see how fiction itself can become political. Dos Passos’s political criticism built up progressively throughout his career, from his early fiction to the crowning success of U.S.A., and rested on a criticism of linear narrative. He went against America’s “manifest destiny” to portray a divided country, made up of “two nations", and rooted his political criticism within the genre of the novel itself. By undermining the concepts of plot, protagonist and temporality, he created a form of political fiction where politics are an integral part of writing, rather than an imposition upon it. Dos Passos thus invites us to cast a new glance at the interwar period, and at the links – severed by Cold War criticism – between modernism and radicalism. His works bear witness to the difficulty of writing protest in a land of consensus; however, rather than resorting to a tempting return to the myth of origins, they enact a dialogue with the founding texts, through which fiction progressively reveals how the nation’s political – and textual – foundation rests on gaps and omissions
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