Summary: | 碩士 === 輔仁大學 === 法國語文學系 === 90 === Comme les facettes d’un diamant refractent en mille feux la lumiere d’un seul rayon de soleil, de meme chaque aspect des structures du livre, Des Inconnue reflete et amplifie un style romanesque particulier fondamental et omnipresent qui construit son unite. Nous l’avons nomme "l’esthetique de l’errance".
Dans notre premier chapitre, nous avons montre comment cette esthetique dessinait les protagonistes du roman en ombres incertaines de silhouettes errantes et angoissees arpentant indefiniment les memes itineraires, sans but ni projet, sans foi ni loi, sans espoir ni joie.
L’errance dicte aussi leurs gestes enigmatiques, hesitants ou stereotypes et leur langage en clair-obscur, toujours plus proche du mensonge que de la verite — sincerite rare, begayante, brouillee par le rire ou noyee dans une profusion referentielle.
Le second chapitre a essaye de reperer les chemins de l’errance entre le faux realisme d’un trace cadastral en trompe l’oeil, les chimeres de villes revees et les aleas d’un imaginaire freudien qui sert de logique aux parcours et en brosse les paysages.
Enfin le dernier chapitre decouvre sous “l’errance” tout un art d’ecrire qui signe le caractere unique des oeuvres de Patrick Modiano.
L’ecriture de l’errance apparait d’abord comme un enchevetrement d’une mulitplicite de genres. Des Inconnues releve, en effet, autant du roman autobiographique, policier ou picaresque que du roman d’initiation, de la serie noire ou du roman d’amour, sans pour autant s’infeoder completement a aucun de ces genres particuliers. On reconnait bien ici l’un des traits marquants des auteurs comtemporains qui revendiquent pleine liberte pour leur creativite et aiment jongler avec toutes sortes de registres.
L’esthetique de l’errance entrelace aussi les modes d’enonciation; ce qui evite, certes, la monotonie mais entraine parfois le lecteur dans un puzzle de repliques ou de pensees dont le fil qui les relie a l’enonciateur devient de plus en plus tenu, flou, ou se perd tout a fait. Insensiblement le monologue interieur s’embarque alors dans l’errance hallucinee d’un discours onirique.
Enfin l’ecriture de l’errance se revele comme une poetique qui convie musique et poesie pour creer l’harmonie insolite d’un chant profond.
La prose modianienne est une prose depouillee, presqu’epuree, aux sonorites douces et charmeuses, tandis que sa puissance imageante et son jeu de couleurs et de sons, nes d’un regard et d’une ecoute tres personnels, en font une prose lyrique ou s’epanouit l’esthetique de l’errance.
Mais, au-dela de cette beaute formelle, le roman, Des Inconnues a-t-il un message a nous transmettre? Une vision du monde et de la societe a nous partager? Quelle conception de la femme, de l’homme, des relations humaines decouvrons-nous derriere ces trois voix feminines?
De ce point de vue, nous ne pouvons que deplorer l’echo sinistre et crapuleux d’une actualite de mass—media aucunement originale.
Notre societe ne connait-elle que la Shoah, la guerre d’Algerie, l’exil, le meurtre, le sexe, le viol, le scandale et la violence? La galerie des personnages feminins n’aligne que des putains, des epouses adulteres, des oeuvres denaturees abandonnant leurs enfants ou des jeunes filles fieres de leurs crimes.
La serie des personnages masculins ne vaut guere mieux avec ses machos, ses noceurs, ses trafiquants louches et ses homosexuels.
Quant aux relations humaines le plus souvent biaisees, elles s’inscrivent dans la depossession, le mensonge, l’humiliation ou l’ecrasement et refletent les rapports sanglants de l’equarrisseur au cheval, du chasseur au gibier, du persecuteur a l’apatride. Il nous est permis de refuser la partialite et l’outrance de cette vision du monde. Si Patrick Modiano nous la presente en miroir de notre societe, sans doute est-ce pour que nous osions le regarder en face mais evidemment pas pour que nous nous y complaisons.
D’ailleurs ce qui interesse avant tout notre ecrivain, plus que le contenu du discours, n’est-ce pas bien davantage l’art pour l’art, le bonheur de l’ecriture? Et c’est par la qu’il seduit.
Il reste, avouons-le, qu’un roman, tel que Des Inconnues, n’est pas loin de generer la nausee. Mais qu’est-ce qui nous retient donc de jeter le livre aux orties? Sans nul doute le charme de la celebre “petite musique” de P. Modiano, une elegance qui rachete la violence, “fleurs du mal” a sa maniere, qui nous entrainent entre reve et realite, dans la longue marche de l’errance et la feerie si originale de son esthetique.
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