Summary: | Les biosolides papetiers (BP) sont des matières organiques résiduelles générées lors du traitement des eaux de procédés de l’industrie des pâtes et papiers. Cette industrie génère près du quart des matières organiques résiduelles au Québec. Le gouvernement du Québec vise l’interdiction de l’enfouissement de la matière organique d’ici 2020 et la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20% par rapport au niveau de 1990, ce qui affectera probablement le portrait de gestion des BP. Or, les émissions de GES des différents modes de la gestion des BP sont peu documentées dans la littérature scientifique, ce qui rend incertain l’impact des changements de pratiques sur le bilan de l’industrie papetière. L’objectif de cette étude est de quantifier les émissions de GES provenant de deux modes de gestion des BP : l’enfouissement et l’épandage agricole. Ces informations contribueront à produire des bilans comparatifs d’émissions de GES de fin de vie, « de la barrière au tombeau » (gate to grave), soit des outils d’aide à la décision pour réaliser une gestion responsable des BP dans le cadre de la lutte aux changements climatiques. L’étude a été réalisée à la ferme expérimentale du collège d’Alma, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean (Québec, Canada). Les émissions de l’enfouissement de BP primaires et de BP mixtes ont été mesurées à l’échelle pilote dans des fosses aménagées qui ont été suivies au cours de deux saisons consécutives (2013-2014) sans couvert nival. Les émissions de l’épandage agricole de BP ont été mesurées sur un sol à texture fine où les apports en azote fournis par des BP mixtes substituaient les apports d’azote d’un engrais minéral dans les proportions suivantes : témoin, 0%, 25%, 50%, 75% et 100%. Les doses d’azote appliquées respectaient les recommandations agronomiques locales de 120 kg N ha-1 disponible pour la culture du blé Touran (Triticum aestivum var. Touran). Deux dispositifs d’épandage agricole ont été aménagés et suivis au cours d’une saison sans couvert nival (2013 et 2014) pour prendre en compte la variabilité des conditions saisonnières. Les émissions de protoxyde d’azote (N2O), de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2) ont été mesurées par la méthode de chambres statiques fermées, plus de 25 fois par saison. Des suivis des concentrations d’azote minéral, de pH et de contenu en eau dans les BP et dans les sols ont été réalisés, ainsi qu’un suivi du rendement et du prélèvement d’azote de la culture. D’une part, l’enfouissement des BP mixtes a émis davantage de GES (0,22 ± 0,02 t éq CO2 t-1 BP secs) que l’enfouissement de BP primaires (0,004 ± 0,001 t éq CO2 t-1 BP secs) pour la période de suivi de deux ans. Les émissions mesurées des BP mixtes étaient aussi principalement sous forme de N2O (0,152 ± 0,009 t éq CO2 t-1 BP secs), alors que les émissions de N2O des BP primaires étaient négligeables. D’autre part, les émissions de N2O de surface de la fertilisation agricole avec de l’engrais minéral (4,3 ± 0,7 kg N2O-N ha-1) étaient moindres que celles des BP (100% BP; 11,2 ± 1,0 kg N2O-N ha-1) et elles augmentaient avec la substitution progressive de l’engrais minéral par les BP. Les émissions de N2O des traitements de fertilisation agricole ont été significativement corrélées avec l’exposition aux nitrates en 2014 et avec les émissions cumulées de CO2 en 2013 et en 2014. Les émissions de N2O au rendement de blé ont aussi été négativement corrélées avec le coefficient d’utilisation de l’azote en 2013. Finalement, l’enfouissement des BP mixtes a émis davantage de GES que leur épandage agricole (0,12 ± 0,01 t éq CO2 t-1 BP secs). L’épandage agricole de BP serait potentiellement une bonne alternative à l’enfouissement pour atténuer les émissions de GES de la gestion des BP, dépendamment des émissions des processus de gestion en amont de leur épandage (transport) et des facteurs d’émissions indirectes considérés, tels les émissions évitées par substitution des engrais minéraux. Toutefois, une multiplication des mesures des émissions de GES serait nécessaire pour en augmenter leur précision et assurer des scénarios de comparaison robustes des émissions de GES évitées par un changement de gestion.
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