Summary: | Lors des débuts de l'industrialisation au Saguenay-Lac-Saint-Jean, on assiste à la formation du premier syndicat catholique de la province, la Fédération ouvrière mutuelle du Nord (FOMN). Bien que cette dernière ait été passablement étudiée par les historiens, tous l'ont fait à partir du discours du principal promoteur, Mgr Eugène Lapointe. Jusqu'à maintenant, aucun chercheur n'a choisi d'aborder la question à partir des aspirations des ouvriers eux-mêmes. C'est donc cette perspective qui est abordée dans ce mémoire.
Suivant une méthode d'analyse de la naissance de la classe ouvrière définie par Ira Katznelson et Aristide R. Zolberg, nous avons étudié son émergence à Chicoutimi. Cette démarche s'apparente également à l'approche adoptée par William H. Sewell Jr. qui ajoute une dimension structurelle à l'analyse «par le bas» émanant des travaux d'E. P. Thompson.
À partir de différentes sources primaires et du dépouillement exhaustif des procèsverbaux de l'union ouvrière, nous en arrivons à démontrer que le rôle des ouvriers au sein de la FOMN est beaucoup plus important que ce que l'on a cru jusqu'à maintenant. Malgré l'impression de soumission des ouvriers et de contrôle du clergé qui émerge des discours officiels, c'est une véritable prise de conscience collective de la classe ouvrière qui apparaît au début des années 1910; ceci se répercute dans l'ensemble du vécu ouvrier, tant au travail que dans la vie quotidienne. On assiste d'ailleurs au développement d'un quartier ouvrier typique, comparable à ce qu'on retrouve ailleurs au Québec à la même période.
Notre étude permet également de démontrer toute la complexité des premiers balbutiements du syndicalisme catholique à Chicoutimi, qui se situe à la jonction entre trois grands courants ouvriers de l'époque : le syndicalisme, la mutualité et l'action sociale catholique. En effet, bien qu'elle soit considérée comme un syndicat, la FOMN est d'abord incorporée sous forme de société de secours mutuels; des actions de ces deux approches y sont d'ailleurs effectuées. Nous y retrouvons également les influences découlant de l'encyclique Rerum Novarum, essentiellement dans les allocutions des aumôniers.
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