Summary: | Thèse en cotutelle : Université Laval, Québec, Canada et Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, Belgique. === Comment le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) se fait-il reconnaître une autorité propre au-delà de la dotation symbolique de son mandat onusien et en dépit de la circulation des experts environnementaux sur lesquels il s'appuie ? Depuis 1972, les savoirs experts du PNUE assurent à la fois sa crédibilité et sa pertinence auprès des acteurs rivalisant avec lui pour définir et observer l'environnement global. Cependant, la reconnaissance de l'autorité propre du PNUE fait face à deux défis. D'abord celui d'une bureaucratie limitée par ses moyens ad hoc et le contrôle par les États. Ensuite, celui d'une compétition entre experts pour imposer leur autorité comme étant celle du PNUE, par rapport à celle d'autres organisations. Or, en dépit du tumulte entourant le PNUE, les experts adhèrent au mandat du PNUE et l'intériorisent. Cette croyance dans la valeur du PNUE crée son illusio, c'est-à-dire un intérêt des individus dans le PNUE, lui distinguant ainsi une autorité propre. Cette thèse argumente que le PNUE assoit son autorité en cooptant celle des experts par des pratiques qui stabilisent un savoir propre dont émerge un domaine pertinent pour son mandat. Les pratiques d'ancrage du savoir du PNUE renforcent son illusio auprès des experts afin de les maintenir investis dans un mandat qu'ils perçoivent être dans l'intérêt de leur carrière. Pour saisir ces pratiques d'ancrage du savoir, cette thèse se concentre sur le domaine de compétences des conflits armés et catastrophes du PNUE, ce dernier étant initialement exclu de son mandat. Retraçant le parcours de cette expertise des « crises » du PNUE depuis les années 1990, cette thèse examine deux types de pratiques d'ancrage de ce savoir. D'abord, les pratiques bureaucratiques du PNUE, telles que la division du travail, la gestion des projets et la mise en écriture d'un savoir expert commun, ancrent les frontières symboliques de ce domaine. Ensuite, les pratiques professionnelles de cette branche du PNUE, dont l'autorité est reconnue dans ce domaine au-delà du PNUE, ancrent les frontières sociales d'un groupe socioprofessionnel déviant du PNUE. La méthodologie de la thèse s'appuie sur une analyse sociale de réseau (visualisations, prosopographie et professions) et une analyse qualitative de type ethnographique (entretiens semi-directifs, observations, documents). Reconstruisant ainsi l'illusio du PNUE par les pratiques de ses experts, cette thèse éclaire d'abord la compétition des experts pour son autorité se jouant aux frontières organisationnelles du PNUE. Ensuite, elle étudie les effets de frontières sectorielles induits par son expertise. Ils entrainent l'ancrage du savoir du PNUE, lequel se produit sous la surveillance-réflexive des experts. Ces analyses démontrent que l'autorité propre du PNUE est en réalité plus un assemblage de savoirs émergents, de projets répondant aux demandes d'expertise, qu'une traduction uniformisée de son mandat en un savoir propre par ses interfaces avec les experts. À mi-chemin de la sociologie de l'expertise et des professions et de la théorie des organisations appliquée aux relations internationales, cette thèse propose de renouveler notre regard sur l'autorité du PNUE, et des organisations internationales, par une sociologie politique de l'international sur les trajectoires des experts et les frontières de son expertise. === How does the United Nations Environment Program (UNEP) gain recognition for its own authority beyond the symbolic resource endowment of its UN mandate and despite the circulation of environmental experts on which it relies? Since 1972, UNEP's expert knowledge ensures both its credibility and its relevance to actors competing with it to define and observe the global environment. However, recognizing UNEP's own authority faces two challenges. First, a bureaucracy limited by its ad hoc means and member state control. Then, a competition between experts to impose their authority as being the one of UNEP, over that of other organizations. Yet despite this turmoil surrounding UNEP, experts adhere to its mandate. This belief in the value of UNEP creates its illusio, that is, an interest of individuals in UNEP and an interest about UNEP, thus distinguishing it as an authority of its own. This dissertation argues that UNEP asserts its authority by co-opting the one of experts through practices that stabilize specific knowledge from which emerges a field relevant to its mandate. UNEP's knowledge anchoring practices heighten its illusio toward experts, which keeps them invested in a mandate that they perceive to be in the best interests of their careers. To capture these knowledge anchoring practices, this dissertation focuses on the area of competence of armed conflicts and disasters of UNEP, the latter being initially excluded from its mandate. Tracing the course of this "crises" expertise of UNEP since the early 1990s, this dissertation examines two types of anchoring practices. First, UNEP's bureaucratic practices, such as the division of labor, project management and the writing of common expert knowledge, anchor this field's symbolic boundaries. Then, the professional practices of this branch of UNEP, whose authority is recognized in this field beyond UNEP, anchors the social boundaries of a deviant socio-professional group in UNEP. The methodology of the thesis is based on a social network analysis (visualizations, prosopography and professions) and a qualitative ethnographic analysis (semi-structured interviews, observations, documents). Thus reconstructing UNEP's illusio through the practices of its experts, this dissertation first sheds light on the competition of experts for its authority staged at the borders of UNEP between its actors. Then, it studies the effects of the frontiers of expertise, incumbent on this anchoring of knowledge and the monitoring that experts make of it. These analyzes simultaneously demonstrate that UNEP's own authority is in reality more an assemblage of emerging knowledge, of projects responding to requests for expertise, than a translation of its general mandate into specific knowledge through its interfaces with experts. Halfway between the sociology of expertise and professions and the theory of organizations applied to international relations, this thesis proposes to renew our perspective on the authority of UNEP, and more broadly of international organizations, through a political sociology of the international on the trajectories of the experts and the frontiers of its expertise.
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