Summary: | La Commission de vérité et de réconciliation (CVR) a dénoncé d'anciennes politiques assimilatoires envers les Autochtones dans lesquelles les pensionnats ont joué un rôle central en excluant les parents du développement de leurs enfants. Appliquées plus tardivement aux Inuits, ces politiques ont provoqué de profonds traumatismes collectifs dont les séquelles persistent à travers les piètres conditions de vie, la prévalence de problématiques destructrices et la surreprésentation des enfants dans le système de protection de l'enfance. C'est dans ce contexte que la présente thèse examine différentes difficultés socioéconomiques et psychosociales de 176 mères inuites du Nunavik durant l'année postnatale en tant que facteurs pouvant constituer un risque pour le développement optimal du nourrisson à 12 mois. Dans le premier article, l'adversité postnatale vécue par ces mères est décrite selon une approche épidémiologique en documentant la prévalence de facteurs de risque socioéconomiques (âge, éducation, monoparentalité, emploi, aide sociale) et psychosociaux (détresse psychologique, comportements suicidaires, violence conjugale, consommation de drogues, abus d'alcool) et en identifiant des profils de risque. Les résultats indiquent que la majorité des mères rapportent plusieurs facteurs de risque pouvant nuire à leur bien-être durant une période développementale charnière chez l'enfant. À partir de ces risques, 4 conditions dichotomiques (précarité socioéconomique, détresse, violence conjugale et utilisation de substances) sont créées et intégrées aux analyses de classes latentes. Elles mettent en évidence 3 profils. Le premier comprend des mères ne présentant peu ou pas de risques (30,8%) ; les deuxième et troisième incluent des mères susceptibles de vivre de la détresse, mais pour des raisons différentes (69,2%). Le deuxième profil regroupe des mères monoparentales sujettes à un stress socioéconomique (40,1%) tandis que le troisième profil compte des mères financièrement moins en difficulté, mais qui évoluent dans une relation conjugale violente et tendent à consommer des drogues ou à abuser de l'alcool (29,1%). Ces résultats suggèrent que les programmes périnataux au Nunavik devront adresser les besoins potentiellement différents de ces 2 groupes de mères pour favoriser leur bien-être et celui de leur enfant. Dans le second article, l'examen des associations directes des facteurs de risque maternels avec le développement du nourrisson à 12 mois et des associations indirectes via un processus d'altération de la qualité de l'environnement familial est réalisé. Comme la majorité des participantes expérimentent plusieurs risques, le lien entre le cumul de facteurs de risque et le développement est aussi examiné. Aucun des modèles n'indique de lien direct entre le cumul de risques et le développement ou de relation indirecte via la qualité de l'environnement familial. Toutefois, certains risques maternels tels que ne pas avoir d'emploi, être peu scolarisé, avoir déjà tenté de se suicider et avoir consommé de la drogue durant l'année postnatale sont directement associés (ß < -0,27) à des indicateurs psychomoteurs et cognitifs de développement à 12 mois. La qualité de l'environnement familial présente aussi des liens directs (ß < 0,16) avec le développement psychomoteur et cognitif dans certains modèles. Cette étude ne corrobore pas l'hypothèse postulant que le développement est affecté par le fardeau croissant de stress résultant de l'augmentation du nombre de risques. Elle suggère plutôt que certains risques socioéconomiques et psychosociaux présents durant l'année postnatale, peuvent favoriser l'identification des nourrissons les plus vulnérables, c'est-à-dire ceux dont le développement psychomoteur et cognitif optimal est le plus menacé. Nous estimons que les risques influençant négativement le développement dans cette étude constituent des indicateurs d'un malaise de longue date continuant de s'actualiser dans la vie des mères. Même si l'année postnatale est reconnue comme charnière pour le développement, cette thèse démontre l'importance de s'intéresser à des stresseurs chroniques, présents avant la naissance de l'enfant chez les Inuits. Les traumatismes historiques, dont les effets se transmettent aux générations subséquentes, constituent des stresseurs chroniques, pouvant nuire aux processus de résilience des mères et les amener à répéter des comportements inadéquats vécus dans leur passé. La CVR recommande d'ailleurs la mise en place de programmes de formation et de soutien parentaux adaptés à la culture afin d'aider les parents victimes des conséquences de l'oppression culturelle passée. La présente thèse soutient empiriquement de tels programmes en montrant que la qualité de l'environnement familial prodiguée par les mères inuites est associée à un meilleur développement précoce chez le nourrisson.
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