Summary: | La multiplication des crises rend imprévisible l'avenir du monde alors que la lourdeur du modèle productif entrave les possibilités d'imaginer un monde alternatif. Au plan individuel, le nombre de trajectoires de vie possible a explosé. À travers les concepts d'individualisation, de régime d'historicité et de temporalités sociales, ce mémoire étudie la projection individuelle des jeunes québécois(es) dans le futur individuel et l'avenir collectif. Pour la cerner, j'ai réalisé quinze entrevues qualitatives auprès de quinze jeunes de profils socio-économiques variés. À l'analyse apparaît une grande variation dans la longueur des projections des jeunes qui peuvent aller d'un an à une vie entière. De même, ce qui constitue le cœur de la projection varie considérablement : équilibre entre domaines de la vie ; expériences de vie ; famille ; engagement social ; travail. Les répondant(e)s partagent un optimisme généralisé quant à leur futur personnel et considèrent avoir toutes les cartes en main pour se forger un futur à leur convenance même si deux tiers n'ont pas de plan de vie arrêté. L'horizon de la projection dans l'avenir collectif ne dépasse pas la vie humaine. Certain(e)s jeunes identifient des dimensions clefs – environnement, économie, conflit armé – qui auront un impact sur les autres facettes de l'avenir tandis que d'autres les réfléchissent en silo et font abstraction de leur interdépendance : l'utilisation incivile du cellulaire étant aussi préoccupante que la corruption ou que les changements climatiques. Deux tiers des jeunes s'attendent à une détérioration du monde, mais considèrent les menaces collectives à venir comme trop distantes spatialement et temporellement pour s'en inquiéter outre mesure. Dans la société individualiste, la promotion à l'autoréalisation est source d'angoisse pour les jeunes qui doivent renoncer à une multitude de potentialités en choisissant un programme d'étude ou un emploi. L'optimisme devant le futur personnel et l'impression d'une identité fixe dans un monde en mouvement résultent d'un sentiment de séparation du monde qui se renforce dans la société individualiste. Cette permanence semble aussi appuyer la thèse du présentisme de François Hartog (2012) soit la propension de la société contemporaine à donner plus d'importance au présent qu'au passé ou au futur. === The proliferation of crises makes the future unpredictable while the cumbersome nature of the productive model hampers the possibility of imagining an alternative. At an individual level, the number of possible life trajectories has exploded. Through the concepts of individualization, regime of historicity and social temporalities, this thesis studies the individual projection of young Quebecers in the individual and the collective future. To identify it, I conducted fifteen qualitative interviews with young people of various socio-economic background. The analysis shows a great variation in the length of the projections of the young people which can go from one year to a whole life. Similarly, what constitutes the center of the projection varies considerably - balance between life dimensions ; life experiences ; family ; social engagement ; work. The young Quebecers share a general optimism and consider having everything needed to forge a personal future at their convenience even though ten of them do not yet have a detailed life plan. The horizon of projection into the common future does not go beyond the length of human life. Some young people identify key dimensions – environment, economy, armed conflict – that will impact the future while others reflect them separately and disregard their interdependence. For example, the uncivil use of the cell phone seems as worrying as political corruption or climate change. Two thirds of the participants expect a deterioration of the world, but consider the threats too distant spatially and temporally to worry about it beyond measure. In the individualistic society, promotion of self-realization is a source of anguish for young people who have to give up a multitude of potentialities presented to them during childhood when choosing a curriculum or a job. Secondly, optimism about personal future and the impression of a fixed identity in a world in motion are the result of a feeling of separation from the world which is strengthened in the individualistic society. The perceived permanence also seems to support the hypothesis of François Hartog's presentism (2012), namely the propensity of contemporary society to give more importance to the present than to the past or the future.
|