Summary: | Cette thèse est construite sur deux mouvements qui s’entrecroisent : une analyse de la nature des relations de pouvoir et une étude de la construction de la figure du leader chez les Inuit du Nunavik. Elle propose ainsi de déconstruire la catégorie de leader en montrant sa nature endogène, mais réappropriée, tout en offrant une nouvelle perspective analytique sur la question des formes de pouvoir. Outillée par l’anthropologie réflexive, cette recherche doctorale met en évidence la prééminence de la coopération dans le Nunavik contemporain. Au sein même des relations d’entraide, qui dépassent de loin le cadre des échanges alimentaires et matériels pour toucher des dimensions sociales et immatérielles, se manifestent clairement les rapports de pouvoir. Les figures de pouvoir sont des personnes possédant des biens dont d’autres sont dépourvus et dans l’obligation de les partager. Dans le sillage des travaux menés sur les sociétés dites égalitaristes et sur les sociétés dites sans État, cette thèse montre ainsi que la source du pouvoir chez les Inuit est externe. Sa légitimité est conférée par le groupe et il se manifeste dans la contrainte sociale de redistribuer. Le groupe l’institue en décidant, librement, de suivre certaines personnes. Ce schème éclaire sous un nouveau jour la nature du lien tissé entre les Nunavimmiut et les Qallunaat tout au long du XXe siècle. La pression constante que le groupe exerce sur les figures de pouvoir s’étend en effet aux missionnaires ou aux commerçants venant s’installer dans l’Arctique québécois. Alors que ces derniers tentent d’imposer leurs conceptions et d’établir de nouvelles positions de pouvoir, ils sont dans le même temps considérés comme des pourvoyeurs devant partager leur richesse. Il en est de même pour les gouvernements qui s’implantent progressivement dans la région à partir des années 1950. Ceux-ci voient alors s’enliser leur politique paternaliste. Les critiques adressées au projet de gouvernement régional au Nunavik portent elles aussi ces marques. Pour les Nunavimmiut, un gouvernement autonome doit être, avant tout, au service des habitants de la région. Mots clés : Inuit, Nunavik, anthropologie politique, coopération, pouvoir, gouvernement, gouvernance, Canada, anthropologie réflexive. === This dissertation describes power relationships among the Nunavik Inuit by addressing two interrelated themes. On the one hand, the nature of power and the role of authority figures are analyzed. On the other, the concept of leader is deconstructed by showing its endogenous nature and the way it is appropriated by Inuit. Through reflexive fieldwork, this research points to a high prevalence of cooperation practices among the Nunavik Inuit. These practices, which are structured by power relationships and various inequalities, cover a wide range of social and material goods and go far beyond food sharing and equipment lending. Such pooling of resources is driven by authority figures who possess what others lack and, as such, are obliged to give back and share their wealth. In line with previous research on egalitarian groups and stateless societies, this research shows that Inuit individuals gain power through exogenous factors, i.e., what others within the group think of them, and not through endogenous ones, i.e., their personal ambitions. In other words, a group creates its leader by deciding to follow him or her. This finding sheds new light on the history of Inuit and Qallunaat relations during the 20th century. Each Inuit group continually exerted pressure to control authority figures, and this pressure extended to missionaries and traders as well. Despite efforts to impose their own power structures by creating new positions of authority in the Arctic, missionaries and traders were nevertheless considered to be wealthy people who had an obligation to share. Governments likewise felt the same pressures, which in time subverted their paternalistic policies. The same applies today to the Nunavik regional government, which recognizes this reality and is seeking to develop a very advanced form of participatory democracy. Keywords: Inuit, Nunavik, Canada, political anthropology, cooperation, power, government, governance, reflexive anthropology.
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