Les réseaux des «lyriques» et des «veillées» : une histoire de la chanson au Québec dans l'entre-deux-guerres par la radiodiffusion au poste CKAC de Montréal (1922-1939)

Cette thèse de musicologie historique utilise la programmation radiophonique du poste CKAC de Montréal dans l’entre-deux-guerres afin de remettre en question une homogénéité présumée de la chanson folklorisée chez les grandes figures que sont Madame Bolduc, Charles Marchand, Ovila Légaré et l’abbé G...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Bellemare, Luc
Other Authors: Lacasse, Serge
Format: Others
Language:FR
Published: Université Laval 2012
Subjects:
Online Access:http://www.theses.ulaval.ca/2012/29122/29122.pdf
Description
Summary:Cette thèse de musicologie historique utilise la programmation radiophonique du poste CKAC de Montréal dans l’entre-deux-guerres afin de remettre en question une homogénéité présumée de la chanson folklorisée chez les grandes figures que sont Madame Bolduc, Charles Marchand, Ovila Légaré et l’abbé Gadbois. L’analyse proposée se focalise sur les pratiques de la chanson métissées au folklore canadien-français dans les domaines du chant, de la danse et du conte. Cette démarche est combinée à l’identification d’émissions de radio où les artistes ont des pratiques du répertoire en commun. La thèse met ainsi en évidence deux réseaux de collaborations. Le premier réseau d’artistes, les « Lyriques », assez près de L’Heure provinciale à CKAC, favorise des voix de type classique et bénéficie d’un appui de la critique, surtout à la revue La Lyre. On y retrouve notamment Charles Marchand et ses Troubadours de Bytown, le Quatuor Alouette, le Trio lyrique de Lionel Daunais et La Bonne chanson de l’abbé Gadbois. L’esthétique de la chanson des « Lyriques » est tournée vers l’Europe dans une pratique hybride entre opérette et chanson montmartroise, dans l’esprit de Théodore Botrel et de la diseuse Yvette Guilbert. Le deuxième réseau d’artistes est celui des « Veillées », associé de près à la Living Room Furniture à CKAC, en écho aux artistes des Veillées du bon vieux temps de Conrad Gauthier sur la scène du Monument national. En plus de ce dernier, le groupe des « Veillées » rassemble notamment Ovila Légaré, Madame Bolduc, le violoneux Isidore Soucy et une série de comédiens. L’esthétique de la chanson du groupe des « Veillées » est tournée vers les Amériques dans un métissage de théâtre burlesque et d’orchestres de musique de danse instrumentale canadienne-française, jusqu’à un certain point similaires à ceux de jazz swing, de tango et de rumba. Les ensembles identifiés n’étant pas non plus parfaitement homogènes, il ressort enfin des groupes des « Lyriques » et des « Veillées » quelques artistes en marge ou à la croisée des deux esthétiques. Il s’agit d’une part des chanteurs de variétés Ludovic Huot, Georges Beauchemin, Fernand Perron, Albert Marier et Jean Lalonde, qui combinent l’opérette, les chansons américaines et latines. On pense d’autre part au théâtre lyrique de Jeanne Maubourg, Caro Lamoureux, Roméo Mousseau et Gaston Saint-Jacques, qui oscille entre la chanson sur le mode lyrique léger et les sketches dramatiques. Il y a encore un nombre important de petits et grands orchestres qui accompagnent la musique de danse des hôtels, cabarets et théâtres de Montréal. L’insistance sur les pratiques hybrides de la chanson permet au final de nuancer une perception généralement unidimensionnelle des artistes de la chanson à l’époque, Charles Marchand le folkloriste ou Madame Bolduc la turluteuse, par exemple. === This music history thesis studies chanson radio broadcasting at CKAC station in Montreal during the interwar period. The data collected challenges an assumed homogeneity of French Canadian folk-influenced chanson legendary icons such as Madame Bolduc, Charles Marchand, Ovila Légaré and priest Charles-Émile Gadbois’ songbook La Bonne chanson. The analysis focuses on chanson influences that meld French Canadian folk music with the performing arts of singing, dancing, and telling tales. The research seeks to point out radio programs where chanson artists share a common repertory. This thesis thus argues that two artist networks coexist. The first network gathers Art Song performers featured on CKAC program L’Heure provinciale. It favours classically trained voices and benefits from the approval of local music critics, especially from magazine La Lyre. This network includes such featured singers as Charles Marchand and the Bytown Troubadours, Quatuor Alouette, Lionel Daunais and his Trio lyrique as well as priest Gadbois’ songbook La Bonne chanson. Chanson æsthetics among Art Song performers is primarily influenced by Europe. The practices blend opera, operetta and Montmartre chanson, in the spirit of Théodore Botrel and French diseuse Yvette Guilbert. The second network is the one of Veillées (Evenings), featured on CKAC program Living Room Furniture. The name itself echoes the fiddle musicians and actors from Conrad Gauthier’s Veillées du Bon Vieux Temps, presented at Monument National. In addition to Monsieur Gauthier, the Veillées network gathers Ovila Légaré, Madame Bolduc, fiddler Isidore Soucy and several actors. Chanson æsthetics of Veillées performers is largely defined by the Americas in a blend of local burlesque comedy and French Canadian fiddle dance music orchestras, similar to those for jazz swing, tango and rumba. Both networks aren’t homogeneous. One finds among Art Song and Veillées artists a few performers standing on the edge of the two æsthetics. A first category features pop romance singers like Ludovic Huot, Georges Beauchemin, Fernand Perron, Albert Marier and Jean Lalonde, combining operetta, American pop songs and Latin rhythms. A second, with Jeanne Maubourg, Caro Lamoureux, Roméo Mousseau and Gaston Saint-Jacques, performs chansons mixing a sweet lyrical tone and drama sketches. A third category gathers all small and large orchestras that perform dance music in Montreal hotels and theaters. In the past, Charles Marchand has usually been depicted in a simple folk performer style. Madame Bolduc has herself been personified as a mere diddling performer during the Stock Market Crash. The thesis focus on cross-pollinating chanson practices enables one to move beyond a general perception that these artists are mostly one-dimensional.