Summary: | Les frères et soeurs d'enfants atteints d'une maladie chronique doivent souvent composer avec des contraintes exigeantes, parfois nombreuses. De plus en plus de chercheurs s'intéressent à leur situation, particulièrement sous l'angle des problèmes qu'ils rencontrent (Berge & Patterson, 2004; Drotard & Crawford, 1985; Lobato, Faust, & Spirito, 1988). Cependant, les répercussions de la maladie sur les frères et soeurs ont surtout été examinées du point de vue des parents, ignorant les perceptions des principaux intéressés. Le diabète insulino-dépendant est une des principales maladies chroniques des enfants canadiens (Hanvey, Avard, Graham, Underwook, Campbell, & Kelly, 1994). Les symptômes physiques, de même que les soins qu'imposent le diabète, en interférant dans plusieurs aspects de la vie quotidienne des enfants atteints, ont immanquablement des effets sur leurs frères et soeurs et sur leurs parents (Barlow & Ellard, 2006). La présente étude vise à mieux comprendre ce que vivent les frères et soeurs d'enfants diabétiques en leur donnant la parole, et en faisant de la place au bien-être dans l'examen de leur expérience. Dans une optique de psychologie positive, la présente étude s'inspire de la théorie du champ perceptuel (Combs, Richards, & Richards, 1976) et de l'approche écologique du développement humain (Bronfenbrenner, 1979). Les objectifs de l'étude consistent à (a) décrire le champ perceptuel des enfants en matière d'adaptation au diabète de leur frère ou soeur en abordant les répercussions tant positives que négatives pouvant survenir, (b) analyser les perceptions des frères et soeurs quant aux échanges familiaux favorables au bien-être (Jutras, Normandeau, & Kalnins, 1997): comportements d'assistance, relations interpersonnelles positives, promotion de saines habitudes de vie, actes thérapeutiques, et (c) examiner les variations éventuelles dans les perceptions des enfants en fonction de variables individuelles ou familiales (genre, âge, revenu familial, durée du diabète, etc.).
Des entrevues individuelles semi-structurées ont été menées auprès de 55 frères et soeurs (8 à 17 ans) d'un enfant diabétique. Leurs réponses ont fait l'objet d'une analyse de contenu classique (L'Écuyer, 1990) avec accords interjuges. L'analyse révèle que les enfants ont une conception du diabète relativement élaborée: ils le décrivent en abordant les soins nécessaires et les contraintes engendrées, fournissant même des explications médicales. Si les enfants identifient plusieurs conséquences négatives à la maladie (contraintes dans l'alimentation et les activités, attention parentale accrue accordée à l'enfant diabétique), ils rapportent aussi leurs principales stratégies pour les affronter: tenter de conserver un bon moral et exprimer leurs besoins à leurs parents. Les enfants se montrent sensibles à ce que vivent leurs parents et sont capables d'identifier des conséquences positives du diabète dans leur vie. Les frères et soeurs se perçoivent comme des acteurs de bien-être pour l'enfant diabétique. Le soutien et le développement personnel émergent comme perspectives dominantes dans le champ perceptuel des enfants quant à leur adaptation à la maladie.
L'analyse des perceptions des enfants quant aux échanges familiaux favorables au bien-être selon l'approche de Jutras & al. (1997) indique que les comportements d'assistance et les relations interpersonnelles positives dominent. Globalement, il y a symétrie ou concordance dans les perceptions des types d'actions offertes et reçues par l'enfant, sauf pour la promotion de saines habitudes de vie avec la mère et les actes thérapeutiques avec l'enfant diabétique. L'analyse de la balance des échanges fait ressortir un surplus avec chaque parent, et un déficit avec l'enfant diabétique. L'analyse plus détaillée de la réciprocité souligne cependant que les frères et soeurs perçoivent l'apport de l'enfant diabétique à leur bien-être affectif. Les perceptions des enfants varient peu en fonction des variables examinées, sauf en ce qui concerne leur position de cadet ou d'aîné de l'enfant diabétique. Cette étude révèle l'importance particulière qu'occupent le soutien et le développement personnel dans le champ perceptuel des frères et soeurs d'enfants malades, suggérant qu'ils les associent dans un processus d'adaptation qui leur conférerait un sentiment de compétence et de valorisation. Les enfants se reconnaissent un rôle dans les soins de leur frère ou soeur diabétique et identifient la contribution de ce dernier à leur propre bien-être. Ils illustrent ainsi des mécanismes par lesquels l'acceptation de la situation, l'autocontrôle et l'altruisme peuvent se conjuguer pour faire de l'expérience des frères et soeurs d'un enfant malade une opportunité de croissance. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Bien-être, Fratrie, Diabète de type 1, Adaptation, Enfants.
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