Summary: | Cette thèse consiste en une étude sociologique de la propriété foncière (immobilière) moderne en tant que mode principal d'appropriation du sol et forme essentielle du rapport des individus à l'espace dans les sociétés capitalistes. Elle vise plus précisément à dégager des éléments de compréhension sur l'insertion de cette institution dans la dynamique générale d'accumulation du capital et sur l'orientation particulière qu'elle a donnée à l'évolution de ce mode de production. Ce travail permettra de formuler différentes propositions théoriques sur l'assise spatiale que le capital trouve dans la propriété foncière qui pourront, par la suite, être mises à profit dans une étude des développements récents du capitalisme et de la phase de financiarisation dans laquelle il est aujourd'hui engagé. Cette thèse se divise en deux parties. La première comporte trois chapitres qui présentent le cadre théorique sur lequel s'appuiera, dans un second temps, la recherche sur la propriété foncière. Elle débute par un examen des fondements du capitalisme, c'est-à-dire de la forme de société dont ce mode d'appropriation de l'espace est l'une des composantes essentielles. Ce premier exercice est essentiellement inspiré de la réinterprétation des œuvres de Marx proposée par Moishe Postone. Cet auteur insiste sur le procès temporel d'abstraction qui fonde le capitalisme et qui lui donne une trajectoire historique auto-expansive. Il accorde cependant très peu d'importance à l'espace, un univers de pratique pourtant central dans la formation des conditions mêmes de l'accumulation capitaliste. Les chapitres deux et trois visent donc à enrichir la théorie de Postone d'une dimension spatiale qui est examinée à la lumière des réflexions qu'Henri Lefebvre et David Harvey ont consacrées à cette question. Lefebvre souligne le rôle médiateur de l'espace et sa contribution inévitable à la reproduction de toute forme de rapports sociaux. Dans les sociétés capitalistes, la médiation par l'espace est selon lui en grande partie l'œuvre de l'État et prend la forme d'une abstraction qui donne à l'abstraction temporelle du capital les conditions de sa matérialisation et de sa réalisation. Harvey prolonge le travail de Lefebvre en explorant la manière dont la spatialité abstraite du capitalisme se déploie dans toutes les phases de l'accumulation capitaliste et se présente â l'activité sociale en lui imposant ses exigences contradictoires de fixité et de mobilité. La réflexion amorcée par la rencontre des idées de Postone, Lefebvre et Harvey sur le capitalisme et l'espace constitue le point de départ de la deuxième partie portant sur la propriété foncière et ses liens avec le capital. Le chapitre quatre fait d'abord ressortir les principaux axes d'une théorie marxienne de la propriété foncière. Ceux-ci mettent en évidence la participation de l'État à la production d'un espace foncier abstrait qui crée le capital, tout en réunissant les conditions de sa reproduction élargie. Les chapitres suivants tentent de retracer les principaux moments de la construction de ce lien « organique » entre propriété foncière et capital. Ils présentent l'histoire de la propriété privée de l'espace et de son intervention dans le passage du capitalisme agraire à l'industrialisation, puis au fordisme. Le chapitre cinq porte plus spécialement sur les étapes de la construction d'un marché de l'immobilier qui ont permis cette évolution du capitalisme, alors que le chapitre six décrit les mutations de la finance hypothécaire qui ont accompagné ce processus. Plus elle avancera, plus cette étude se concentrera sur l'évolution de la propriété résidentielle ainsi que sur les conditions spécifiques de sa formation en Amérique du Nord. Enfin, le chapitre sept fait la synthèse des observations qui se dégagent du travail qui précède et les met à contribution dans une analyse des transformations contemporaines de la propriété foncière et de sa soumission croissante à des impératifs d'accumulation financière. En s'inspirant de l'exemple du Canada, il montre que la financiarisation du marché de l'immobilier modifie les conditions spatiales de la reproduction du capital et que, par conséquent, elle permet d'envisager la possibilité d'une transformation profonde des modalités mêmes de l'accumulation capitaliste qui dépasse le simple cadre de ce secteur d'activité.
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