Summary: | Le conte est un récit originel qui fait partie des œuvres de la création humaine depuis toujours. Son omniprésence dans toutes les cultures en a fait un objet universel transportant des significations propres à l'imaginaire commun des sociétés. Cette définition large et inclusive tend toutefois à rendre l'appréhension de ce dernier fugitive et instable, d'où la nécessité de revisiter les fondements d'une telle conception. Les nombreuses manifestations contemporaines de la persistance du conte dans les différentes sphères de la réalité nous obligent en effet à nous demander comment celui-ci réussit encore à s'immiscer aussi profondément dans nos vies et à y créer du sens. L'étude que nous proposons en s'appuyant sur les bases théoriques déjà établies cherche à réintégrer la nécessité pragmatique du conte au cœur de sa signification. En ce sens, un bref historique de l'épistémologie des sciences de la culture démontre la pertinence de rallier sous un même vocable les disciplines que sont la sémiologie et l'anthropologie. L'approche sémio-anthropologique développée dans cette thèse constitue en effet le cadre théorique et méthodologique à partir duquel il devient possible de saisir cette dimension de la praxis du conte trop souvent ignorée par la recherche. La pragmatique du langage de Wittgenstein et la méthode interactionniste de Goffman sont réunies et mises au service d'une analyse qui voit dans le quotidien un champ riche et éloquent de la socialité humaine. À travers la démarche du terrain ethnographique réalisé auprès de vingt et une familles québécoises, l'étude révèle cette forme narrative comme une pratique du quotidien qui rythme la vie familiale. Le moment du conte en famille dévoile celui-ci non plus comme un texte mais bien comme un contexte structuré à l'intérieur duquel les parents et les enfants expérimentent une façon d'être ensemble les reliant au reste de la société. L'exploration des dimensions sensible, rituelle, récréative et sociale de la pratique permet de comprendre comment celles-ci opèrent avec le récit pour lui donner une signification particulière. Aussi, le livre comme objet rituel matérialisant le passage de la réalité à l'univers de la fiction revêt une importance capitale sur la pratique familiale dans le Québec contemporain. Ce dernier s'avère même, dans certaines familles, indispensable à son exercice. Par l'animation du livre de conte, le parent construit un récit sémiotiquement métissé qui veut transmettre le goût de la lecture à l'enfant. En conclusion, la perspective de recherche originale prônée ici parvient à la démonstration que le conte s'inscrit effectivement aux fondements anthropologiques du récit, non seulement parce qu'il possède une structure ou un symbolisme universels, mais surtout parce qu'il suppose un contexte d'interaction au cœur de la relation humaine.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : conte, pratique, quotidien, famille, Québec.
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