Summary: | Le présent travail s'intéresse aux processus de redéfinition identitaire et de reconfiguration des rapports interétatiques se manifestant au sein du groupe d'États-nations slavo-oriental depuis le démantèlement de l'URSS. Fondamentalement, son objectif est double. Il s'agit d'abord de vérifier l'hypothèse d'un groupe d'États-nations slavo-oriental distinct, ayant des propriétés particulières dont les effets s'observent sur les processus de redéfinition identitaire et de reconfiguration des rapports interétatiques entre la Russie, l'Ukraine et le Belarus. Il s'agit ensuite de trouver la clef interprétative permettant de comprendre la dynamique ou la logique interne des interactions qui s'observent au sein d'un tel groupe, à la fois frontalier de l'Europe et de l'Asie. Bien qu'il s'agisse, en réalité, d'une sorte d'anthropologie de la diplomatie postsoviétique, ce travail s'inscrit entièrement dans le champ disciplinaire des Relations internationales. Les discours des hommes politiques influents, les documents juridiques qu'ils ont fait adopter ainsi que les commentaires et les réactions qu'ils ont suscités auprès des experts et des masses forment le terrain empirique à l'étude. Reformulée dans le langage théorique de l'approche constructiviste cette thèse aspire, dans un premier temps, à mettre en relief la macrostructure (à la fois matérielle et idéelle) constitutive d'un sous-système commun aux trois (et seulement aux trois) États-nations successeurs de l'URSS à majorité slavo-orientale et orthodoxe. À cet égard, la présente étude vient confirmer que l'histoire militaire, économique, juridique, religieuse et linguistique génère une structure intersubjective commune et particulière aux Slaves de l'Est. Celle-ci se manifeste par cette croyance, constamment débattue, d'appartenir à une seule et même famille, dont le fondement est à la fois ethnolinguistique et historique. Son existence génère une tension dialectique permanente et unique entre, d'une part, le sentiment de fraternité ethnolinguistique et religieuse et, d'autre part, les rivalités liées au partage de l'héritage d'un passé commun, lequel s'étend de la Rous à l'URSS. En second lieu, ce travail propose d'identifier les microstructures (matérielles et idéelles) explicatives des particularités de chacune des unités étatiques-nationales du sous-système. Ce travail démontre, par le biais d'une analyse des facteurs militaire, économique, juridique, religieux et linguistique susceptibles d'affecter la politique étrangère de chacun des États-nations à l'étude, que les comparaisons jouent un rôle constitutif des personnalités postsoviétiques de la Russie, de l'Ukraine et du Belarus. Cette thèse fait ainsi valoir que les dirigeants tentent de définir leur État-nation d'une façon qui soit tant gratifiante que viable, mais que ce processus n'est pas linéaire et prévisible. Le développement de la personnalité simultanément étatique et nationale constitue plutôt un mécanisme d'apprentissage par essais-erreurs dans lequel chacun, à sa manière, se compare aux autres unités du sous-système. Puisqu'elle oscille entre l'optimisme d'une confédération pacifique et le pessimisme d'une prédation vorace entre ses unités, il appert que la macrostructure sous-systémique à l'étude ne saurait être classée dans l'un des idéaux-types « hobbesien », « lockéen » ou « kantien », tels que décrits par Alexander Wendt. Afin d'expliquer et de mieux comprendre ces passages rapides entre les épisodes de collaboration et les épisodes de confrontation, la présente thèse explore un autre idéal-type de structure intersubjective dont la forme, particulièrement instable, serait de type « familiale ». En dernière analyse, afin d'évaluer la valeur heuristique du prisme interprétatif que serait la métaphore de la famille, ce travail examine les séquences d'interaction triangulaire entre les États-nations slavo-orientaux au cours des années 1990-2010. Sans prétendre pouvoir surmonter la difficulté consistant à identifier des critères stricts et précis de falsifiabilité (caractéristique de tout modèle théorique parcimonieux), cette thèse fait valoir les mérites d'un cadre analytique comparatif et longitudinal fondé sur la métaphore de la famille et permettant à la fois d'expliquer et de comprendre les rapports politiques postsoviétiques chez les Slaves de l'Est. Par cette analyse sous-systémique, l'étude permet d'approfondir le débat sur les mérites et les limites de l'approche constructiviste en Relations internationales.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : relations internationales, constructivisme, analyse comparative, Russie, Ukraine, Belarus
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