Summary: | Le néologisme « technoscience » est généralement évoqué pour décrire une mutation du rapport que la science contemporaine entretient avec la technique. La transformation à laquelle réfère ce terme consiste alors en ceci : la science contemporaine a abandonné son entreprise de se constituer en explication générale du monde phénoménal, et se caractérise désormais par le souci d'efficacité et par l'omniprésence des techniques. Si la colonisation de l'activité scientifique par des impératifs technicistes est généralement acceptée comme étant ce qui constitue la nouveauté du phénomène de la technoscience, la réalité technicienne de la science contemporaine a cependant été appréhendée de différentes façons. Parmi celles-ci figure le thème de l'autonomie de la technique. Selon cette interprétation, la technoscience serait un processus par lequel la technique s'émanciperait de toute forme d'emprise humaine et deviendrait complètement autonome. Suivant cette perspective, la technique ne serait plus au service de l'homme, mais imposerait plutôt ses lois à ceux qui l'ont créée. Dans le cadre du présent mémoire, nous nous intéresserons à la position défendue par le sociologue Michel Freitag. En nous appuyant sur les principaux ouvrages et textes de son œuvre, nous observerons que sa théorie générale empêche à plusieurs égards d'appréhender la technoscience à la lumière de la thèse de l'autonomie de la technique. D'une part, nous verrons que la technicité est selon lui une activité essentielle de toute existence subjective dans le monde en ce qu'elle permet au sujet de s'adapter efficacement aux conditions hostiles de son milieu. D'autre part, tout rapport humain au monde étant selon lui médiatisé par le symbolique, nous constaterons que ce n'est qu'en étant elle-même médiatisée symboliquement que l'efficacité visée par l'activité technique peut être accomplie. Comme la théorie défendue par Freitag ne lui permet pas d'associer la technoscience à l'émancipation de la technique par rapport à toute forme d'emprise humaine, nous verrons que ce sera plutôt l'adoption d'une norme techniciste et pragmatique suite à la dissolution des idéaux qui orientaient a priori la science qui constituera pour lui la nouveauté de la technoscience. Nous constaterons cependant qu'en dépit de sa théorie du symbolique qui intègre la technicité en tant que modalité ontologique de la pratique humaine, Freitag en viendra lui-même à admettre que la technoscience conduit à l'autonomie de la technique. C'est cette contradiction des idées défendues par Freitag à propos de la technoscience que notre mémoire tentera d'exposer.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : science, technique, technoscience, modernité, capitalisme, société contemporaine, sociologie de Michel Freitag, brevet
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