Une analyse sociohistorique des communautés imaginées des Balkans aux XIXe et XXe siècles

C'est au travers du prisme nationaliste qu'on a tâché de comprendre et de résoudre les conflits en ex-Yougoslavie, étudiés souvent comme des conflits entre Serbes, Croates, Bosniaques, Albanais, etc. Mais qui sont au juste les fameux « groupes nationaux » dont il est question? Le sociologu...

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Bibliographic Details
Main Author: Theurillat-Cloutier, Fanny
Format: Others
Published: 2010
Subjects:
Online Access:http://www.archipel.uqam.ca/3757/1/M11647.pdf
Description
Summary:C'est au travers du prisme nationaliste qu'on a tâché de comprendre et de résoudre les conflits en ex-Yougoslavie, étudiés souvent comme des conflits entre Serbes, Croates, Bosniaques, Albanais, etc. Mais qui sont au juste les fameux « groupes nationaux » dont il est question? Le sociologue américain Rogers Brubaker dirait qu'on a fait acte ici de groupisme (groupism) en prenant pour acquis des groupes dont les clôtures sociales sont loin d'être incontestées. Pour reprendre une idée d'Etienne Balibar, il a bien fallu « instituer dans le réel cette unité imaginaire contre d'autres unités possibles ». Ce mémoire se propose de relire comment se sont construites les clôtures sociales nationalistes dans les Balkans occidentaux tout au long du XIXe et du XXe siècle et contre quels autres types de clôtures sociales concurrentes. L'objectif est de jeter un regard nouveau sur le nationalisme à partir d'une approche moderniste, tout en dépassant ses limites habituelles que sont les modèles trop généraux et la réification des groupes nationaux. Pour ce faire, notre démarche combine l'approche de Rogers Brubaker avec celle de la théorie des relations sociales de propriété. Une hypothèse centrale est que ce processus est intrinsèquement lié aux conflits sociaux autour de l'appropriation des surplus politiques, économiques et culturels. Nous voulons repenser l'imbrication dynamique des institutions, des rapports de pouvoir, des relations sociales d'appropriation et de la constitution d'une identité collective. Les communautés imaginées nationales ont progressivement pris la place prépondérante face à d'autres formes d'appartenance. Tout d'abord inexistantes dans l'Empire ottoman, d'un côté elles se sont par la suite constituées sur la base des Églises auto-céphales serbe et grecque. De l'autre, elles ont permis à la petite noblesse et la bourgeoisie croate de s'affirmer face aux nationalistes hongrois. Sous la première Yougoslavie, les discriminations vécues principalement par les populations non-slaves cristallisent pour la première fois le sentiment d'appartenance nationaliste chez les classes dominées. Ainsi, à la création de la deuxième Yougoslavie, une structure fédérale sur des bases nationalistes est négociée et c'est le long de ces lignes qu'elle finira par imploser, du fait d'inégalités politiques et économiques. Durant la période couverte, les définitions des divers groupes nationaux ont connu maintes transformations, que ce soit au niveau des marqueurs de la nationalité (langue, religion, ethnicité, etc.), des populations incluses et exclues et des objectifs poursuivis par la clôture sociale nationalitaire. Aujourd'hui, après avoir redéfini les clôtures sociales au profit des élites locales, les catégories nationales sont la référence douloureuse à un passé récent qui a reconfiguré la région en homogénéisant le territoire, mais aussi le sentiment d'appartenance. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Balkans, Brubaker, catégories nationales, communautés imaginées, nationalisme, relations sociales d'appropriation, sociologie historique, Yougoslavie, XIXe siècle, XXe siècle.