Summary: | Bien que la température soit connue pour affecter le développement, d'autres paramètres environnementaux peuvent affecter les patrons ontogénétiques comme la vélocité du courant, et ce, particulièrement chez les Salmonidae. La vélocité du courant s'avère être un paramètre fondamental en morphologie fonctionnelle, car elle influe sur le régime hydrodynamique et donc affecte le comportement de nage des poissons. Durant les 10 dernières années, beaucoup d'études se sont penchées sur l'effet de la vélocité du courant sur la morphologie du corps chez les Salmonidae. Dans l'ensemble, les études montrent que plus la vélocité augmente, plus cela induit de la plasticité phénotypique, bien que la réponse directionnelle prise par les traits morphométriques soit espèce-dépendante chez les Salmonidae. Néanmoins, la plupart des études tendent à suggérer que les morphologies résultantes sont adaptatives au regard des conditions hydrodynamiques. Pourtant, les interactions entre vélocité du courant, morphologie et développement squelettique n'ont jamais été étudiées. Ceci est surprenant compte tenu que des liens évidents existent entre la locomotion et le développement du squelette. D'autant plus que le développement des structures osseuses ne serait pas contrôlé que génétiquement, mais aussi épigénétiquement. En effet, des études montrent que des exercises de nage soutenue augmentent la masse osseuse ou la longueur des os chez les mammifères. L'hypothèse suggérée est que les contraintes mécaniques associées à la nage générées par les muscles augmentent. Or, les tissus osseux sont reconnus pour être mécanorépondants. Aucune recherche n'a étudié expérimentalement l'effet de la vélocité du courant sur la plasticité développementale en intégrant l'analyse sur plusieurs niveaux d'organisation comme la morphologie du corps et le squelette. Ceci constitue la problématique de la présente thèse. Le premier chapitre avait pour objectif d'étudier au cours de l'ontogénie précoce d'une espèce de Salmonidae, l'Omble chevalier (Salvelinus alpinus), si une augmentation de vélocité de courant induisait de la plasticité morphologique et changeait l'interaction des traits au cours du développement. Les résultats de cette étude sont les premiers à avoir mis au jour chez l'Omble chevalier que : (1) l'augmentation de la vélocité du courant induit de la plasticité développementale des traits morphologiques; (2) la variation des traits morphométriques présente une période critique autour de 50 jours post-éclosion au cours de laquelle la sensibilité aux contraintes environnementales est accrue; (3) le gradient morphologique de l'interaction des traits en termes de forme ne suit pas le gradient environnemental. À haute vélocité, un seuil apparaît qui induit le maintien de l'intégration des traits associés à la taille plus que l'intégration des traits associés à la forme. Les morphologies résultantes de la haute vélocité sont plus proches des morphologies induites par les faibles vélocités que celles des vélocités intermédiaires. Ceci suggère une réponse spécifique de la plasticité développementale au cours du développement aux conditions de vélocités afin de mieux coordonner à des moments critiques du développement les modifications de taille et de forme de l'organisme avec les exigences fonctionnelles imposées par l'environnement. Le second volet avait pour objectif de vérifier que l'augmentation de la vélocité du courant induisait de la plasticité dans le développement des cartilages et des os au sein des nageoires médianes chez l'Omble chevalier. Cette étude est la première à montrer expérimentalement que: (1) l'augmentation de la vélocité du courant induit de la plasticité développementale de l'endosquelette des nageoires médianes; (2) la formation des cartilages est moins affectée par l'augmentation de la vélocité du courant que leur ossification. En effet, la plupart des éléments s'ossifient à des tailles de spécimens plus petites plus la vélocité du courant augmente, et ce, pour les trois nageoires; et (3) les trajectoires de mise en place des cartilages et des os révèlent des périodes développementales de réponses synchrones entre les nageoires. Ces résultats suggèrent une plus grande plasticité développementale de l'ossification que de la chondrification. Cette plasticité est vraisemblablement associée à une plus grande influence épigénétique des contraintes mécaniques sur les os que sur les cartilages et/ou au fait que les structures déjà présentes ont moins de temps pour répondre aux traitements. D'autre part, il est suggéré que le synchronisme de la formation des cartilages et des os au sein des trois nageoires se fait en association avec des transitions de périodes ontogénétiques (embryon versus alevin, alevin versus juvénile). Ce synchronisme est potentiellement adaptatif du point de vue fonctionnel. Le troisième volet avait pour objectif d'étudier plus spécifiquement le développement du squelette caudal et d'analyser la variation induite ou non par la vélocité du courant dans un contexte évolutif. Les résultats de ce chapitre montrent l'existence chez les Salmonidae d'éléments squelettiques jamais ou rarement décrits. Contrairement à la condition généralement observée chez ce clade, sept hypuraux (au lieu de six) ainsi que quatre uroneuraux (au lieu de trois) ont été trouvés chez plusieurs spécimens. Les variations en nombre des éléments squelettiques ont permis de reconsidérer de précédentes hypothèses ayant trait à : (1) l'interrelation entre corps vertébraux et les éléments qui leur ont été supposément associés; (2) la distribution phylogénétique des états de caractère de ces éléments chez les Salmonidae; et (3) la réévaluation des homologies proposées dans la littérature. À l'aide d'hypothèses phylogénétiques précédemment publiées, il est suggéré que les éléments nouvellement observés (en particulier un septième hypural et un quatrième uroneural) représentent des atavismes taxiques.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : plasticité phénotypique, développement, morphologie, endosquelette des nageoires, Salmonidae.
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