Summary: | Lorsque les chefs cuisiniers passent à l'écriture, le livre de cuisine se personnalise et s'articule autour d'un point de vue de praticien de la nourriture pour devenir livre de chef. Ce phénomène est nouveau au Québec et se confirme avec la publication du livre de Daniel Vézina, Ma route des saveurs au Québec (2001) bientôt suivi par ceux de Diane Tremblay, Un privilège à votre table (2004) et de Martin Picard, Restaurant Au pied de cochon: l'album (2006). Cet usage se détache des conditions matérielles de réalisation associées traditionnellement au livre de recettes, bien qu'il en conserve quelques caractéristiques génériques, et se présente plutôt comme un objet contaminé par l'art. Si la gastronomie peut être définie, comme le suggère Pascal Ory, par la combinaison de trois discours (que nous appelons technique, environnemental et esthétique), force est de constater que le livre de chef participe de la création d'une gastronomie québécoise intimement liée aux enjeux d'autorité, d'unicité et d'identité qui composent le rôle social du chef cuisinier et le définissent comme un artiste. L'objet de ce mémoire est d'étudier les discours technique, environnemental et esthétique dans les livres de chef québécois. Ceux-ci ajoutent à la recette un discours d'escorte formé de textes, qui empruntent aux codes littéraires, et d'images, qui empruntent à l'iconographie des beaux-arts. Sur le plan technique, la question du goût ressort et fait comprendre que la recette sert de prétexte au chef pour se distinguer et pour légitimer sa position dans son domaine. Si Vézina, Tremblay et Picard sont chefs autant qu'auteurs, c'est justement parce qu'ils maîtrisent une compétence technique, mais qu'ils peuvent s'en libérer et engager un discours sur leur pratique. Sur le plan environnemental, les chefs mettent de l'avant une rhétorique qui construit un environnement à leur image. Les produits qu'ils utilisent sont tirés du terroir, qui devient alors un lieu idéalisé, proche du lecteur, mais toujours unique. De ce fait, le discours du chef fait entrer la gastronomie dans un processus de patrimonialisation. Sur le plan esthétique, les chefs affirment leur originalité, évoquent leur rôle de créateur, parlent de leur démarche et intègrent différentes formes d'illustrations pour se mettre en scène ou évoquer l'art en général. Ainsi, ils se forgent une identité d'artiste, qui les distingue de l'artisan qu'est le cuisinier. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Daniel Vézina, Diane Tremblay, Martin Picard, Québec, Sociologie du goût, Livre illustré, Livre de cuisine, Chef cuisinier, Gastronomie, Restaurant, Patrimoine, Tourisme.
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