Summary: | La littérature antillaise est souvent étudiée du point de vue de l'écriture, mais ce mémoire considère un versant nouveau du sujet en l'abordant du point de vue de la lecture. Certains textes de ce corpus sont marqués par la tradition orale qui a longtemps été le principal mode de transmission du savoir et de la culture dans les Antilles. Que devient l'acte de lecture quand l'oralité s'inscrit dans l'écrit? Quand le lecteur n'est pas familier avec la culture antillaise? Ces questions méritent d'être posées, car la présence de l'oraliture dans l'écriture appelle une lecture singulière. C'est à partir de l'étude de deux oeuvres, l'une provenant de l'auteur haïtien Gary Victor, La piste des sortilèges, et l'autre de l'auteur martiniquais Patrick Chamoiseau, Solibo Magnifique, que les spécificités de cette lecture sont mises à jour. Le premier chapitre, tout en étant le lieu d'un aperçu géographique et d'un survol historique, se consacre au passage de la tradition orale à l'écriture dans les Antilles. Il y est question de l'apparition de la langue créole et du conte (entre autres de l'importance de la figure du conteur), ainsi que de la naissance de concepts identitaires et esthétiques tels que la négritude, l'antillanité et la créolité. Notre analyse de La piste des sortilèges de Gary Victor démontre comment, d'une part, la thématique du conte et l'importance de la parole est reprise dans la littérature et comment, d'autre part, la quête du personnage principal est construite selon les universaux du conte, tels que Vladimir Propp (1970) les a établis. Le second chapitre, qui se penche sur la question des frontières culturelles et l'acte de lecture, présente les principaux concepts théoriques utilisés dans les analyses. Il est essentiel de s'arrêter sur la notion de l'altérité culturelle qui a un effet particulier sur l'acte de lecture. Les notions d'illisibilité (Bertrand Gervais, 1999), de sémiosphère (Yuri Lotman, 1999), d'encyclopédie (Umberto Eco, 1985) sont d'une grande importance pour considérer la lecture en situation de différence culturelle. Même si des stratégies sont mises en place pour aider le lecteur, l'aide paratextuelle ne réussit pas toujours à combler les lacunes dues à la différence culturelle, comme en témoigne l'exemple du glossaire de La piste des sortilèges de Victor (auquel aucune note ne renvoie). Le troisième chapitre est consacré à l'analyse du roman Solibo Magnifique de Patrick Chamoiseau. Il démontre comment ce dernier, lui-même artisan de la créolité, procède afin d'inscrire la question du passage de la tradition orale à l'écrit dans son texte, en confiant entre autres à son personnage la tâche de mettre à l'écrit la parole du conteur qui vient de mourir. Le personnage principal de La piste des sortilèges possède quant à lui un véritable pouvoir qui réside en sa parole. Comme quoi la parole peut survivre dans l'écrit... ou, dans ce cas-ci, servir à survivre. Ce mémoire fait état de différentes façons de recréer la tradition orale à travers l'écrit et démontre comment s'effectue l'acte de lecture lorsque l'oralité visite l'écrit. En considérant l'oralité en fonction de la lecture et en posant la question de l'altérité à l'intérieur des théories de la lecture, ce mémoire contribue à l'avancement des connaissances sur la littérature antillaise, sur l'acte de lecture ainsi que sur la notion d'altérité. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Littérature antillaise, Oralité, Altérité, Lecture, Gary Victor, La piste des sortilèges, Patrick Chamoiseau, Solibo Magnifique.
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