Trois mouvements intellectuels québécois et leurs relations françaises : l'action française, "La relève" et "La nation" (1917-1939)

La question des rapports entre l'Action française de Montréal (1917-1927), devenue l'Action nationale (1933-), et l'Action française de Paris (1899-1944) a généralement été posée en termes idéologiques. L'apparente dichotomie entre d'une part, l'intérêt du mouvement qué...

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Main Author: Courtois, Charles-Philippe
Format: Others
Published: 2008
Subjects:
Online Access:http://www.archipel.uqam.ca/1097/1/D1650.pdf
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topic Bouchard Paul 1908-1997
Groulx Lionel 1878-1967
Laurendeau André 1912-1968
Action française
Action française (Montréal
Québec)
La nation (Mouvement politique)
La Relève (Mouvement politique)
1900-1949
Histoire
Intellectuel
Nationalisme
Vie intellectuelle
France
Québec (Province)
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Courtois, Charles-Philippe
Trois mouvements intellectuels québécois et leurs relations françaises : l'action française, "La relève" et "La nation" (1917-1939)
description La question des rapports entre l'Action française de Montréal (1917-1927), devenue l'Action nationale (1933-), et l'Action française de Paris (1899-1944) a généralement été posée en termes idéologiques. L'apparente dichotomie entre d'une part, l'intérêt du mouvement québécois pour son homonyme français dont il adopte le nom, et de l'autre, l'indépendance et la dissemblance de leurs idéologies, demeurait un « mystère » dans l'historiographie. La présente thèse part de la volonté d'élucider cette question. Elle propose d'examiner cette question sous un autre angle, celui de l'histoire des intellectueIs, c'est-à-dire de leurs pratiques socioculturelles, qui éclaire la question du rapport entre les deux Actions françaises. L'Action française, La Relève (1934-1940) et La Nation (1936-1939), et leurs relations françaises, sont examinés dans une perspective comparative. L'étude met en valeur les structures développées par les mouvements intellectuels au début du XXe siècle, innovations déterminantes pour l'action intellectuelle du siècle. L'examen des relations entre ces mouvements s'augmente de l'étude de leurs relations françaises, qui jouent un rôle important. L'étude se fonde sur un dépouillement des périodiques, la correspondance, l'analyse des structures, et sur une comparaison des prises de position des mouvements. Cette mise en situation dans le contexte des débats intellectuels et aux autres mouvements de leur époque permet une meilleure caractérisation de chacun des mouvements. Après avoir défini « intellectuel » et « mouvement intellectuel », l'auteur propose une première taxinomie des types de mouvements intellectuels. Les mouvements intellectuels caractérisent les nouvelles pratiques des « intellectuels » du XXe s., dans le contexte des médias et des modes d'intervention spécifiquement intellectuels qui apparaissent vers 1900. La « ligue d'intellectuel » ressort comme le type le plus ambitieux, celui par lequel un collectif tente de poursuivre une ambition d'hégémonie culturelle (définie en termes gramsciens). Plus communs, se démarquent le mouvement axé sur une revue, exploratrice d'idéologies d'avant-garde, et le mouvement axé sur un hebdomadaire de combat, serrant de près l'actualité et la politique. L'hebdomadaire de combat et surtout la revue intellectuelle sont deux exemples de périodiques spécifiquement intellectuels qui se développent à côté des journaux de masse et d'information. La première partie, après une revue de l'historiographie, retrace le contexte intellectuel de la naissance de l'Action française de Montréal. Outre la présentation des nationalismes alors en jeu, il s'agit de situer l'Action française parmi les mouvements existant au moment de sa conception. L'originalité de la Ligue d'Action française et l'ambition intellectuelle « gramscienne » de ses fondateurs sont ainsi mises en relief. La seconde partie analyse l'Action française et fouille la question de ses rapports avec l'Action Française de Paris. Au-delà d'un certain décalage entre les idéologies de l'Action française de Montréal et de Paris, la ligue française apparaît comme un modèle de mouvement intellectuel, un modèle d'organisation et de stratégie, étudié et adapté par les éminences de la ligue québécoise. La ligue française offre un véritable canevas pour édifier un mouvement dont l'ambition d'hégémonie idéologique à long terme est à la fois comparable et exceptionnelle. La ligue québécoise s'édifie selon un plan remarquablement analogue. Ce plan, étayé par un « programme d'action nationale » fonde une action à déploiement multiple sur une « doctrine de nationalisme intégral ». Dans les deux cas, une « ligue d'action française » déploie l'action intellectuelle en application de ce programme. Le contenu de ce programme comme de la doctrine sont propres à l'Action française de Montréal, mais la démarche, assez unique, est analogue à celle de l'Action française de Paris, qui lui servit de modèle stratégique. L'auteur fonde son hypothèse sur la comparaison des structures des deux ligues, la reprise de ces concepts-clés, et la confirme par l'étude de la correspondance de Lionel Groulx et Omer Héroux, ainsi que les notes de lecture de Groulx. Groulx et Héroux ont mené la transformation de la Ligue des droits du français (1913) en Ligue d'Action française (l921), en commençant par le lancement de la revue L'Action française (1917). La caractérisation de l'Action française repose sur le dépouillement de la revue, où est rapporté l'ensemble des activités de la Ligue. Cette étude fait ressortir un temps fort des rapports entre les deux Actions françaises, vers 1922-1924. Ce rapprochement a été favorisé par le renforcement du parti des catholiques ralliés ou compagnons de l'Action française, en particulier le Parti de l'intelligence mené par Henri Massis et Jacques Maritain. L'analyse idéologique comparative fait ressortir des différences entre les nationalismes pourtant traditionalistes des deux mouvements: l'Action française de Groulx, catholique, rejette le « politique d'abord » de Maurras, ne focalise pas sur les formes de gouvernement, n'est pas révolutionnaire et n'a pas de parti pris en faveur de la dictature, mais accepte le libéralisme constitutionnel. Elle est modérée, éloignée de la violence politique et réformiste. Il faut dire que la tradition à laquelle elle se réfère est politiquement distincte de celle que cultive l'Action Française de Paris. Par contre sa compatibilité idéologique est plus grande avec les catholiques d'Action Française de France. Suite à la Condamnation de l'Action Française de Paris par le Pape en 1926-1927, l'Action française de Montréal changea de nom et se rallia à la position de « primauté du spirituel » défendue par Maritain. Le mouvement connaît des difficultés, puis renaît en 1933 sous le nom d'Action nationale. L'auteur examine la continuité du modèle de la « ligue d'intellectuels » qu'avait incarné l'Action française chez l'Action nationale, dont les proportions ne sont plus les mêmes. La troisième partie analyse La Relève et La Nation. La Condamnation de l'Action française de Maurras a eu d'autres retombées, indirectes, dans la vie intellectuelle québécoise, qu'illustrent ces deux mouvements. Du Parti de l'intelligence, scindé par ses réactions divergentes à la Condamnation, découlent deux courants de non-conformistes des années 1930, la Jeune-Droite et les personnalistes. Ces deux courants sont déterminants pour La Nation et La Relève respectivement. La Relève est en effet un mouvement « ami d'Esprit », du mouvement personnaliste de Mounier, fortement influencé à sa naissance par Maritain. L'examen comparatif des deux mouvements dévoile, outre une proximité formelle entre le modèle de revue adopté par les deux mouvements, un léger écart. La Relève, davantage centrée sur la revue, et entièrement catholique, demeura plus proche de Maritain qu'Esprit. Ainsi, les prises de position de La Relève devant les crises des années 1930 rejoignent celles de Sept, où s'engagent Maritain et Daniel-Rops, davantage que celles d'Esprit. Cet écart léger entre personnalismes est confirmé par une plus grande présence de Maritain et Daniel-Rops que de Mounier dans la revue. La Nation est lancée par une équipe en partie issue de la revue non-conformiste Vivre. Pour établir un hebdomadaire, et poursuivre une ambition d'agir plus près de la politique que de l'exploration idéologique, La Nation adapte une formule à succès qui lui plaît, celle de Gringoire. Entre les trois hebdomadaires français d'extrême droite principaux, Candide, Je suis partout et Gringoire, c'est la formule de Gringoire, satirique, politique et littéraire, mais aussi plus populaire, que La Nation avoue préférer. Elle adapte la formule et est influencée idéologiquement par Gringoire et Je suis partout. La Nation est fortement imprégnée de l'idéologie des maurrassiens dissidents, en particulier de la Jeune Droite. Elle prend comme eux position pour le fascisme en y voyant une façon moderne de parvenir au régime d'ordre préconisé par Maurras. Elle adhère au « politique d'abord » comme ne le fit point l'Action française de Groulx -ni l'Action nationale. La Nation vise en outre à s'impliquer directement dans la politique, se rapprochant en cela davantage de Je suis partout que de Gringoire Cependant La Nation entend développer une ligne entièrement autonome, conséquence de son nationalisme. L'axe principal de son action est de promouvoir le séparatisme et le corporatisme fasciste comme solution politique conjointe. Or son évolution, mise en situation de la politique, se distingue de celle de Gringoire et Je suis partout. Ces mouvements français se radicalisent en effet toujours davantage vers le totalitarisme, un fascisme européen, qui n'était pas leur position initiale. Au contraire d'eux, La Nation condamne les accords de Munich. Elle maintient son nationalisme autoritaire et même en atténue le fascisme et l'autoritarisme. Délaissant le modèle italien, elle s'intéresse aux expériences américaines, notamment au créditisme en Alberta. Son programme se modère toujours davantage, abandonnant graduellement le séparatisme pour l'autonomie. L'autonomie elle-même passe de revendicative à défensive. La Nation tente de s'allier à des formations politiques nettement plus modérées et « met de l'eau dans son vin ». Il ressort de cet examen que La Nation se démarque de la jeune-Droite parce qu'elle place le nationalisme au-dessus du fascisme dans sa hiérarchie de valeurs. Son engagement nationaliste l'attire d'ailleurs vers davantage de modération afin de s'associer à des ensembles plus nombreux. Outre le contexte de la realpolitik interne, Lionel Groulx, avec l'ensemble des nationalistes indépendants dont elle cherche à se rapprocher, paraît avoir exercé une influence modératrice sur La Nation. Il émane comme un « maître » de la génération intellectuelle des années 1930, du moins dans les trois mouvements étudiés. Des débats et échanges entre La Relève, La Nation et L'Action nationale, il ressort que L'Action nationale et La Relève ont davantage de points communs et s'opposent aux positions de La Nation. Elles rejettent le « politique d'abord » et le fascisme, reconnaissant une primauté du spirituel qui doit baliser leurs nationalismes respectifs. Les liens interpersonnels entre La Relève et L'Action nationale se révèlent fournis, notamment à travers l'organisation des Jeune-Canada. Ces jeunes intellectuels peuvent être qualifiés de « non-conformistes » québécois. La thèse éclaircit le mystère des rapports entre les deux Actions françaises, et révèle l'importance particulière du Parti de l'intelligence et du non-conformisme dans les relations intellectuelles franco-québécoises de l'entre-deux-guerres. L'enquête dévoile l'originalité de La Nation à l'extrême droite et la proximité entre La Relève et L'Action nationale à travers la jonction du nationalisme et du personnalisme. II ressort de cette attention mise sur l'évolution des pratiques que l'action intellectuelle du XXe siècle se démarque par l'importance de l'action collective, le foisonnement de nouvelles structures d'engagement que nous appelons « mouvements intellectuels » el l'innovation en ces matières d'organisation. Différentes organisations répondent à différentes stratégies et diverses ambitions. L'étude de trois cas de mouvement intellectuel et de relations intellectuelles franco-québécoises espère ainsi apporter une contribution utile au chercheur en histoire intellectuelle. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Intellectuel, Nationalisme, Conservatisme, Traditionalisme Personnalisme, Fascisme, Non-conformistes, Transferts culturels, Idéologies, Vie intellectuelle (Québec), Vie intellectuelle (France), Ligue des droits du français, Action française (Montréal), Action canadienne-française, Action nationale, Jeune-Canada, La Relève, Vivre, La Nation, Action française (Paris), Esprit, Sept, Gringoire, Je suis partout, Front latin, Joseph-Papin Archambault, Lionel Groulx, Omer Héroux, Paul Beaulieu, Paul Bouchard, Robert Charbonneau, Jean-Louis Gagnon, Marcel Hamel, André Laurendeau, Jacques Maritain, Henri Massis, Charles Maurras, Daniel-Rops, Paul Doncoeur, Emmanuel Mounier.
author Courtois, Charles-Philippe
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La présente thèse part de la volonté d'élucider cette question. Elle propose d'examiner cette question sous un autre angle, celui de l'histoire des intellectueIs, c'est-à-dire de leurs pratiques socioculturelles, qui éclaire la question du rapport entre les deux Actions françaises. L'Action française, La Relève (1934-1940) et La Nation (1936-1939), et leurs relations françaises, sont examinés dans une perspective comparative. L'étude met en valeur les structures développées par les mouvements intellectuels au début du XXe siècle, innovations déterminantes pour l'action intellectuelle du siècle. L'examen des relations entre ces mouvements s'augmente de l'étude de leurs relations françaises, qui jouent un rôle important. L'étude se fonde sur un dépouillement des périodiques, la correspondance, l'analyse des structures, et sur une comparaison des prises de position des mouvements. Cette mise en situation dans le contexte des débats intellectuels et aux autres mouvements de leur époque permet une meilleure caractérisation de chacun des mouvements. Après avoir défini « intellectuel » et « mouvement intellectuel », l'auteur propose une première taxinomie des types de mouvements intellectuels. Les mouvements intellectuels caractérisent les nouvelles pratiques des « intellectuels » du XXe s., dans le contexte des médias et des modes d'intervention spécifiquement intellectuels qui apparaissent vers 1900. La « ligue d'intellectuel » ressort comme le type le plus ambitieux, celui par lequel un collectif tente de poursuivre une ambition d'hégémonie culturelle (définie en termes gramsciens). Plus communs, se démarquent le mouvement axé sur une revue, exploratrice d'idéologies d'avant-garde, et le mouvement axé sur un hebdomadaire de combat, serrant de près l'actualité et la politique. L'hebdomadaire de combat et surtout la revue intellectuelle sont deux exemples de périodiques spécifiquement intellectuels qui se développent à côté des journaux de masse et d'information. La première partie, après une revue de l'historiographie, retrace le contexte intellectuel de la naissance de l'Action française de Montréal. Outre la présentation des nationalismes alors en jeu, il s'agit de situer l'Action française parmi les mouvements existant au moment de sa conception. L'originalité de la Ligue d'Action française et l'ambition intellectuelle « gramscienne » de ses fondateurs sont ainsi mises en relief. La seconde partie analyse l'Action française et fouille la question de ses rapports avec l'Action Française de Paris. Au-delà d'un certain décalage entre les idéologies de l'Action française de Montréal et de Paris, la ligue française apparaît comme un modèle de mouvement intellectuel, un modèle d'organisation et de stratégie, étudié et adapté par les éminences de la ligue québécoise. La ligue française offre un véritable canevas pour édifier un mouvement dont l'ambition d'hégémonie idéologique à long terme est à la fois comparable et exceptionnelle. La ligue québécoise s'édifie selon un plan remarquablement analogue. Ce plan, étayé par un « programme d'action nationale » fonde une action à déploiement multiple sur une « doctrine de nationalisme intégral ». Dans les deux cas, une « ligue d'action française » déploie l'action intellectuelle en application de ce programme. Le contenu de ce programme comme de la doctrine sont propres à l'Action française de Montréal, mais la démarche, assez unique, est analogue à celle de l'Action française de Paris, qui lui servit de modèle stratégique. 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L'analyse idéologique comparative fait ressortir des différences entre les nationalismes pourtant traditionalistes des deux mouvements: l'Action française de Groulx, catholique, rejette le « politique d'abord » de Maurras, ne focalise pas sur les formes de gouvernement, n'est pas révolutionnaire et n'a pas de parti pris en faveur de la dictature, mais accepte le libéralisme constitutionnel. Elle est modérée, éloignée de la violence politique et réformiste. Il faut dire que la tradition à laquelle elle se réfère est politiquement distincte de celle que cultive l'Action Française de Paris. Par contre sa compatibilité idéologique est plus grande avec les catholiques d'Action Française de France. Suite à la Condamnation de l'Action Française de Paris par le Pape en 1926-1927, l'Action française de Montréal changea de nom et se rallia à la position de « primauté du spirituel » défendue par Maritain. Le mouvement connaît des difficultés, puis renaît en 1933 sous le nom d'Action nationale. L'auteur examine la continuité du modèle de la « ligue d'intellectuels » qu'avait incarné l'Action française chez l'Action nationale, dont les proportions ne sont plus les mêmes. La troisième partie analyse La Relève et La Nation. La Condamnation de l'Action française de Maurras a eu d'autres retombées, indirectes, dans la vie intellectuelle québécoise, qu'illustrent ces deux mouvements. Du Parti de l'intelligence, scindé par ses réactions divergentes à la Condamnation, découlent deux courants de non-conformistes des années 1930, la Jeune-Droite et les personnalistes. Ces deux courants sont déterminants pour La Nation et La Relève respectivement. La Relève est en effet un mouvement « ami d'Esprit », du mouvement personnaliste de Mounier, fortement influencé à sa naissance par Maritain. L'examen comparatif des deux mouvements dévoile, outre une proximité formelle entre le modèle de revue adopté par les deux mouvements, un léger écart. La Relève, davantage centrée sur la revue, et entièrement catholique, demeura plus proche de Maritain qu'Esprit. Ainsi, les prises de position de La Relève devant les crises des années 1930 rejoignent celles de Sept, où s'engagent Maritain et Daniel-Rops, davantage que celles d'Esprit. Cet écart léger entre personnalismes est confirmé par une plus grande présence de Maritain et Daniel-Rops que de Mounier dans la revue. La Nation est lancée par une équipe en partie issue de la revue non-conformiste Vivre. Pour établir un hebdomadaire, et poursuivre une ambition d'agir plus près de la politique que de l'exploration idéologique, La Nation adapte une formule à succès qui lui plaît, celle de Gringoire. Entre les trois hebdomadaires français d'extrême droite principaux, Candide, Je suis partout et Gringoire, c'est la formule de Gringoire, satirique, politique et littéraire, mais aussi plus populaire, que La Nation avoue préférer. Elle adapte la formule et est influencée idéologiquement par Gringoire et Je suis partout. La Nation est fortement imprégnée de l'idéologie des maurrassiens dissidents, en particulier de la Jeune Droite. Elle prend comme eux position pour le fascisme en y voyant une façon moderne de parvenir au régime d'ordre préconisé par Maurras. Elle adhère au « politique d'abord » comme ne le fit point l'Action française de Groulx -ni l'Action nationale. La Nation vise en outre à s'impliquer directement dans la politique, se rapprochant en cela davantage de Je suis partout que de Gringoire Cependant La Nation entend développer une ligne entièrement autonome, conséquence de son nationalisme. L'axe principal de son action est de promouvoir le séparatisme et le corporatisme fasciste comme solution politique conjointe. Or son évolution, mise en situation de la politique, se distingue de celle de Gringoire et Je suis partout. Ces mouvements français se radicalisent en effet toujours davantage vers le totalitarisme, un fascisme européen, qui n'était pas leur position initiale. Au contraire d'eux, La Nation condamne les accords de Munich. Elle maintient son nationalisme autoritaire et même en atténue le fascisme et l'autoritarisme. Délaissant le modèle italien, elle s'intéresse aux expériences américaines, notamment au créditisme en Alberta. Son programme se modère toujours davantage, abandonnant graduellement le séparatisme pour l'autonomie. L'autonomie elle-même passe de revendicative à défensive. La Nation tente de s'allier à des formations politiques nettement plus modérées et « met de l'eau dans son vin ». Il ressort de cet examen que La Nation se démarque de la jeune-Droite parce qu'elle place le nationalisme au-dessus du fascisme dans sa hiérarchie de valeurs. Son engagement nationaliste l'attire d'ailleurs vers davantage de modération afin de s'associer à des ensembles plus nombreux. Outre le contexte de la realpolitik interne, Lionel Groulx, avec l'ensemble des nationalistes indépendants dont elle cherche à se rapprocher, paraît avoir exercé une influence modératrice sur La Nation. Il émane comme un « maître » de la génération intellectuelle des années 1930, du moins dans les trois mouvements étudiés. Des débats et échanges entre La Relève, La Nation et L'Action nationale, il ressort que L'Action nationale et La Relève ont davantage de points communs et s'opposent aux positions de La Nation. Elles rejettent le « politique d'abord » et le fascisme, reconnaissant une primauté du spirituel qui doit baliser leurs nationalismes respectifs. Les liens interpersonnels entre La Relève et L'Action nationale se révèlent fournis, notamment à travers l'organisation des Jeune-Canada. Ces jeunes intellectuels peuvent être qualifiés de « non-conformistes » québécois. La thèse éclaircit le mystère des rapports entre les deux Actions françaises, et révèle l'importance particulière du Parti de l'intelligence et du non-conformisme dans les relations intellectuelles franco-québécoises de l'entre-deux-guerres. L'enquête dévoile l'originalité de La Nation à l'extrême droite et la proximité entre La Relève et L'Action nationale à travers la jonction du nationalisme et du personnalisme. II ressort de cette attention mise sur l'évolution des pratiques que l'action intellectuelle du XXe siècle se démarque par l'importance de l'action collective, le foisonnement de nouvelles structures d'engagement que nous appelons « mouvements intellectuels » el l'innovation en ces matières d'organisation. Différentes organisations répondent à différentes stratégies et diverses ambitions. L'étude de trois cas de mouvement intellectuel et de relations intellectuelles franco-québécoises espère ainsi apporter une contribution utile au chercheur en histoire intellectuelle. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Intellectuel, Nationalisme, Conservatisme, Traditionalisme Personnalisme, Fascisme, Non-conformistes, Transferts culturels, Idéologies, Vie intellectuelle (Québec), Vie intellectuelle (France), Ligue des droits du français, Action française (Montréal), Action canadienne-française, Action nationale, Jeune-Canada, La Relève, Vivre, La Nation, Action française (Paris), Esprit, Sept, Gringoire, Je suis partout, Front latin, Joseph-Papin Archambault, Lionel Groulx, Omer Héroux, Paul Beaulieu, Paul Bouchard, Robert Charbonneau, Jean-Louis Gagnon, Marcel Hamel, André Laurendeau, Jacques Maritain, Henri Massis, Charles Maurras, Daniel-Rops, Paul Doncoeur, Emmanuel Mounier. 2008 Thèse acceptée PeerReviewed application/pdf http://www.archipel.uqam.ca/1097/1/D1650.pdf Courtois, Charles-Philippe (2008). « Trois mouvements intellectuels québécois et leurs relations françaises : l'action française, "La relève" et "La nation" (1917-1939) » Thèse. Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en histoire. http://www.archipel.uqam.ca/1097/