Summary: | Cette recherche explore le sens que la « génération de l’information » (20-35 ans) donne à l’engagement. Alors que sociologues et médias ont longtemps brandi des chiffres alarmants concernant la désaffection électorale des jeunes et leur rejet des associations ou groupes de pression usuels, le développement du Web 2.0 semble donner lieu à de nouvelles formes d’action visant le changement social, qui sont particulièrement prisées par les jeunes. Analysant leur recours à des pratiques de manifestations éclairs (flash mobs), de cyberdissidence, l’utilisation du micro-blogging et des réseaux Facebook et Twitter dans le cadre de mobilisations récentes, des enquêtes suggèrent qu’elles témoignent d’une nouvelle culture de la participation sociale et politique, qui appelle à repenser les façons de concevoir et de définir l’engagement.
Or, si nous assistons à une transformation profonde des répertoires et des modes d’action des jeunes, il demeure difficile de comprendre en quoi et comment l’utilisation des TIC influence leur intérêt ou motivation à « agir ». Que veut dire s’engager pour les jeunes aujourd’hui ? Comment perçoivent-ils le contexte social, politique et médiatique ? Quelle place estiment-ils pouvoir y occuper ? Soulignant l’importance du sens que les acteurs sociaux donnent à leurs pratiques, la recherche s’éloigne des perspectives technocentristes pour explorer plus en profondeur la façon dont de jeunes adultes vivent, expérimentent et interprètent l’engagement dans le contexte médiatique actuel.
La réflexion s’ancre sur une observation empirique et deux séries d’entretiens en profondeur (de groupe et individuels), menés auprès de 137 jeunes entre 2009-2012. Elle analyse un ensemble de représentations, perceptions et pratiques d’individus aux horizons et aux modes d’engagement variés, soulignant les multiples facteurs qui agissent sur la façon dont ils choisissent d’agir et les raisons qui les mènent à recourir aux TIC dans le cadre de pratiques spécifiques. À la croisée d’une multiplication des modes de participation et des modes d’interaction qui marquent l’univers social et politique des jeunes, la recherche propose de nouvelles hypothèses théoriques et une métaphore conceptuelle, le « murmure des étourneaux », pour penser la façon dont les pratiques d’affichage personnel, de relais, et d’expérimentation mises en avant par les jeunes s’arriment en réseau à celles d’autrui pour produire des « dérives culturelles » : des changements importants dans les façons de percevoir, d’agir et de penser.
Loin d’une génération apathique ou technophile, les propos soulevés en entretiens suggèrent un processus réflexif de construction de sens, dont l’enjeu vise avant tout à donner l’exemple, et à penser ensemble de nouveaux possibles. La recherche permet d’offrir un éclairage qualitatif et approfondi sur ce qui caractérise la façon dont les jeunes perçoivent et définissent l’engagement, en plus d’ouvrir de nouvelles avenues pour mieux comprendre comment ils choisissent d’agir à l’ère du Web. === This research explores the complex relationship between Web 2.0 technologies and how a younger “information age generation” (20-35 years old) makes sense of social and political engagement. While scholars and pundits have long underlined youth’s low electoral turnouts and its rebuff of traditional organizations, Web 2.0 tools seem to provide a younger generation with interactive platforms that have become crucial components of many social change projects. Analyzing movements supported trough e-mail lists and e-petitions, observing the orchestration of flash mobs, commenting on cyberactivism and the use of social network sites (such as Twitter and Facebook) during recent uprisings, studies suggest networked-based technologies have not only opened up opportunities and repertoires of action, they indicate a new participatory culture. One that calls into question the very meanings and definitions associated with “political engagement” and “social change”.
Yet, if a large amount of studies now stress the importance of better understanding such practices, it remains difficult to grasp how and if the web is changing young people’s sense of “engagement”. Very little attention has been given to the evaluative weighting of alternatives, values, and meanings that motivate or impede young people to participate in specific actions for social change. How do young people define “engagement?” How do they perceive the general political, social and media context? How do they perceive their own situation within this context? Suggesting that the ways in which actors choose to mobilize cannot be fully understood without taking into account the meanings and activities they associate with social change, the research explores how engagement is actually experienced, how it looks and feels like for young adults in a complex media environment.
Drawing on empirical fieldwork and two series of group and in-depth interviews conducted with 137 young adults (20-35 years olds) between 2009 and 2012, the analysis underlines the multiple factors that shape young people’s perception of political and social participation, how they choose to transform their own societies and how they use social media and Web 2.0 applications when striving to convey change. At the crossroad of two important factors that mark their social and political world – a multiplicity of interaction modes and a multiplicity of participatory practices – the research brings new thoughts to this growing field of study. It offers new theoretical hypotheses that help take into account the role played by virtual networks in the circulation of interpretations and meanings. It also suggests a conceptual metaphor, the “murmur of starlings”, to illustrate how practices of “posting”, “forwarding” and the relational dimensions involved in the everyday sharing of experiences, may translate into “cultural drifts ” – important shifts in collective ways of thinking, acting and perceiving.
Looking beyond typical characterizations of a techno-savvy or apathetic generation, the picture emerging from the interviews reveals reflexive sense-making processes that inspire to widen new fields of possibilities. Overall, the research provides qualitative and in-depth insights into what characterizes the way young people perceive and define engagement and opens new perspective for better understanding how they choose to “act” in the Web 2.0 era.
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