Summary: | De nombreuses études l'ont confirmé, le facteur socio-économique en est un des plus déterminant et discriminant quant aux risques de décrochage scolaire. En effet, lorsqu'on compare les élèves de familles plus fortunées à ceux issus de familles qui le sont beaucoup moins, règle générale, ces derniers enfants issus d'un milieu défavorisé sont beaucoup plus susceptibles d'éprouver des difficultés à l'école. Dans le même sens, les jeunes issus d'un milieu familial défavorisé socio-économiquement ont un net désavantage par rapport aux autres provenant de familles aisées, quant à la possibilité d'atteindre et de réussir des études secondaires ou post-secondaires, et cet écart se dessine plus particulièrement au niveau universitaire. Les théories macrosociologiques sont également fort pessimistes quant aux chances de mobilité sociale ascendante d'individus issus de milieux caractérisés par la pauvreté. Cependant, certaines personnes échappent à ce « déterminisme » et peu de chercheurs en éducation se sont penchés sur leur cas.
Ainsi, c'est à ce phénomène malheureusement encore exceptionnel que s'est intéressé cette recherche de maîtrise en tentant de répondre à la question suivante : Par quels motifs des personnes issues d'un milieu familial défavorisé socio-économiquement, et ayant atteint ou réussi des études universitaires, expliquent-elles leur cheminement (ou réussite) scolaire? C'est donc dans un cadre épistémologique qualitatif/ interprétatif, et selon une logique d'investigation compréhensive, que le but poursuivi par cette recherche est de comprendre et d'interpréter, suivant une logique ethnosociologique, la réussite scolaire de personnes issues d'un milieu familial socio-économiquement défavorisé ou, en d'autres mots, on veut comprendre et interpréter les motifs liés à la réussite scolaire selon ces mêmes personnes. Et c'est dans un cadre théorique et conceptuel prenant assise à travers différents concepts tirés de la microsociologie que s'est articulé la cueillette et l'analyse des données.
C'est donc à partir de données tirées de récits de vie scolaire recueillis auprès de douze informateurs (ou sujets de recherche), sept femmes et cinq hommes issus d'un milieu caractérisé par la pauvreté et ayant fréquenté les études universitaires, que certains éléments de réponse à caractère sociologique ont émergé, cela bien que chaque récit ou trajectoire scolaire et sociale soit indéniablement original. L'analyse thématique/ comparative, ayant pris essentiellement la forme de tableaux comparatifs, a été celle privilégiée au cours de cette recherche. Les thématiques retenues aux fins d'analyse ont été les suivantes : le rapport à l'école des sujets et la conception de l'éducation scolaire dans leur milieu familial; les aspirations, les motivations et les domaines d'études des sujets; les éléments ayant supporté les sujets au cours de leur cheminement scolaire et ceux les ayant contraints.
Les résultats obtenus sont nombreux et diversifiés. De manière générale, il est apparu que la majorité des informateurs avait une représentation positive de leur parcours scolaire et que la mère en particulier, à travers son attitude de valorisation des études ou de neutralité face à la scolarisation, a été un « élément » favorisant leur persistance aux études. De plus, contrairement à ce qu'on aurait pu croire au départ, les sujets avaient un rendement bon à moyen au cours de leurs études, sans être des premiers de classe. On retient également que la majorité d'entre eux aspirait à un statut social plus élevé que celui de leurs parents (rêve de mobilité sociale). De même, certains acteurs ont joué un rôle significatif dans le parcours scolaire des sujets : la mère, les amis et certains enseignants ont été des personnes aidantes par leur appui moral, par leur attitude de valorisation, etc. D'autres acteurs ont été davantage des modèles, notamment à travers leur persistance aux études. Il est également apparu que certains éléments ont particulièrement supporté les sujets au cours de leur cheminement scolaire, tel le fait de pouvoir concilier le travail et les études, la possibilité d'avoir accès à une aide financière gouvernementale via le système de prêts et bourses, ou la proximité des établissements d'enseignement fréquentés. Quant aux éléments ayant contraint les sujets, ils ont été dans la plupart des cas à caractère familial (par exemple, état de santé précaire ou alcoolisme des parents) ou financier, ce dernier élément ayant eu un impact variable sur le cheminement scolaire de chacun des sujets, en demeurant tout de même pour eux une contrainte à surmonter.
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