Summary: | L'anaphore, décrite grammaticalement comme "un processus syntaxique consistant à reprendre, par un segment, un autre segment du discours" (J. Dubois (1973:33)), n'est pas un problème nouveau. Elle a été étudiée autant dans le cadre de la linguistique structuraliste (J. Dubois) que générativiste (J.-C. Milner). La linguistique textuelle aussi s'y est intéressée. Pour comprendre la création de chaînes de syntagmes nominaux dans un texte, elle a catégorisé différents types de reprises pronominales et lexicales. Mais ces études ont surtout servi à montrer les contraintes distributionnelles des reprises anaphoriques et le rôle de continuité thématique de ces marqueurs grammaticaux (Halliday et Hasan).
En nous inspirant d'approches méthodologiques (Culioli) prenant en compte les opérations énonciatives et cognitives de construction des valeurs référentielles, nous avons voulu dépasser cette vieille idée qu'anaphoriser, c'est reproduire quelque chose de déjà existant dans le cotexte. Dans un corpus, composé d'une entrevue réalisée auprès d'un notaire dont le bureau commençait à s'informatiser, nous tentons de montrer comment un marqueur comme "ça", tantôt anaphore (le plus souvent), tantôt déictique, renvoie non seulement à des opérations de construction du contenu, mais également à d'autres opérations énonciatives et argumentatives complexes du sujet.
L'insuffisance des approches strictement linguistiques amène à consulter de plus en plus les spécialistes de l'analyse du discours et de la pragmatique qui s'intéressent à la signification en contexte discursif. En effet, on est de plus en plus conscient que le sens ne s'épuise pas dans l'explicite du discours et que l'analyse linguistique doit mettre au coeur de ses préoccupations l'activité de construction de valeurs référentielles par un sujet nécessairement situé, travaillant constamment l'ajustement entre énonciateurs, entre idées, entre connaissances et cherchant à valider ses énonciations soit à partir d'un contexte externe, soit en prenant en charge ce qu'il énonce.
Nous croyons, dans le cadre de cet élargissement méthodologique, avoir modestement apporté quelques éléments d'interprétations nouvelles sur le morphème "ça".
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