Maisons, raisons, passions. La résidence secondaire à Chavannes-sur-Suran (Ain) et Saint-Martin d'Entraunes (Alpes Maritimes)

La recherche menée lors de la thèse de doctorat a pour cadre un des usages particuliers que les urbains français ont du monde rural, celui de la villégiature. Séjours prolongés sur le terrain, observation participante, observation flottante, récits de vie et entretiens semi-directifs servirent de ca...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Ortar, Nathalie
Language:FRE
Published: Université de Nanterre - Paris X 1998
Subjects:
Online Access:http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00366748
http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/36/67/48/PDF/These_Nathalie_Ortar.pdf
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Ortar, Nathalie
Maisons, raisons, passions. La résidence secondaire à Chavannes-sur-Suran (Ain) et Saint-Martin d'Entraunes (Alpes Maritimes)
description La recherche menée lors de la thèse de doctorat a pour cadre un des usages particuliers que les urbains français ont du monde rural, celui de la villégiature. Séjours prolongés sur le terrain, observation participante, observation flottante, récits de vie et entretiens semi-directifs servirent de cadre méthodologique à ce travail. Les entretiens alimentèrent nombre de réflexions sans qu'ils soient pour autant décisifs de l'ensemble de la recherche, l'observation complétant et nuançant les propos recueillis. L'étude de deux communes distantes de plusieurs centaines de kilomètres et se situant dans des contextes sociaux et démographiques différents donne plus de sens à l'analyse du phénomène dans son ensemble.<br />La collecte des données se déroula de 1993 à 1997. Les séjours réguliers rendent compte d'une certaine évolution des communes observées et des familles rencontrées. L'observation de deux communes complétées par les expériences de recherche précédentes ou concomitantes sur d'autres thèmes mais toujours dans le monde rural français donne un aspect beaucoup plus nuancé à la recherche globale et permet d'établir des distinctions entre le cas général et particulier. L'inscription au sein du séminaire interdisciplinaire des ruralités contemporaines de l'Ecole des hautes études à Paris rendit possible des échanges sur leur perception du monde rural et en particulier des résidents secondaires auxquels ils s'intéressèrent aussi . La rencontre de géographes et de sociologues ruraux impulsa une dynamique à l'ensemble de la recherche en élargissant le cadre des réflexions. <br />Le but de cette thèse était de comprendre pourquoi certaines personnes éprouvaient le besoin de posséder un deuxième logement, leurs activités, ce que cette résidence secondaire leur apportait effectivement malgré les contraintes inhérentes à sa possession et les obstacles financiers. Le deuxième aspect était de rechercher les raisons du choix d'une résidence secondaire dans des zones peu ou pas touristiques. <br />Le cas de Chavannes est celui d'un village en train de se périurbaniser, peuplé d'habitants au mode de vie plus banlieusard que rural. Les résidents secondaires venus à la recherche du rural apparaissent parfois décalés par rapport à la réalité. Ils sont en quête d'un monde disparu, qui s'est profondément urbanisé dans les mentalités. Toutefois, à mon sens, ils continuent de jouer un rôle dans la promotion et le brassage des idées, parfois simplement par leurs interrogations. Il est néanmoins probable que dans des zones de ce type le nombre des résidences secondaires soit appelé à régresser au profit des nouveaux habitants du rural.<br /> A Saint-Martin, les résidents secondaires apparaissent aussi comme décalés par rapport à la réalité. Eux aussi arrivent nourris d'images ou d'idées sur la campagne qui n'ont plus cours parce que disparues. Les résidents secondaires doivent ici combler un vide, insuffler une vie à un espace en profonde mutation physique, dont la fonction change. Les résidents secondaires jouent et joueront nécessairement un rôle de premier plan dans ce nouvel usage, mais il est aléatoire de chercher à en percevoir toutes les implications.<br />Etudier les résidents secondaires dans deux communes distinctes fut l'occasion d'observer des résidents secondaires aux motivations et désir d'implication, assez proches mais dans deux contextes diamétralement opposés. De fait, c'est effectivement lors de l'analyse des relations établies avec la société locale que la comparaison prend toute sa pertinence. La flexibilité du rôle des résidents secondaires selon la société d'accueil et les besoins exprimés put ainsi être mise en exergue. Chavannes, où les résidents secondaires se sont peu à peu désimpliqués en apparence, est caractéristique d'une société qui croît de nouveau. Néanmoins, malgré le désir perceptible de marginaliser la population des résidents secondaires, le besoin de disponibilité des personnes pour assurer l'entretien de la commune est tel que les résidents secondaires sont en fin de compte acceptés, pour peu qu'ils masquent leur secondarité. En ceci, les deux communes ne sont finalement pas si différentes que cela puisque toutes deux puisent dans les résidents secondaires pour subvenir aux besoins des communes en bénévoles.<br />Les points centraux de comparaison qui apparaissent entre les deux communes sont, en premier lieu, la convergence des aspirations des urbains, quel que soit le milieu d'accueil. Dans les deux communes, la résidence secondaire répond à un besoin de mémoire fabriquée le cas échéant, de convivialité, de ressourcement, d'identité même, autant que d'espace. Ces besoins sont révélateurs en négatif de l'insatisfaction produite par les villes quelle que soit leur taille. Ce besoin d'espace d'interconnaissance et de convivialité se retrouve dans les deux communes avec la création ou recréation de fêtes qui servent ici avant tout à célébrer un entre soit que les habitants tentent de fédérer. A travers ces deux terrains d'enquête, la résidence secondaire apparaît aussi comme un support privilégié de la vie familiale.<br />Les divergences portent essentiellement sur la place des résidents secondaires au sein de l'espace rural. Les deux terrains mettent en évidence qu'il n'existe pas un seul mais des espaces ruraux au devenir opposé, comme le montre le cas de Saint-Martin qui se débat pour continuer à exister politiquement et socialement, tandis que Chavannes, lui, cherche des solutions pour ne pas devenir une cité dortoir. <br />La résidence secondaire apparaît nécessaire pour l'équilibre de vie de ses propriétaires et c'est cette nécessité même qui est révélatrice de lacunes du monde urbain, qui ne sont pas seulement imputables à l'habitat, puisque des résidents secondaires, même en milieu rural, peuvent vivre en appartement, ni à la seule présence ou absence d'un jardin, et donc la possession d'espaces verts, certains s'en passant fort bien.<br />Le constat qui peut être établi est que la résidence secondaire présente un atout pour l'avenir des espaces ruraux, mais un atout limité. Ainsi que le montre le cas de Saint-Martin, elle ne constitue pas en soi une réponse à une situation de désertification mais elle apporte une réponse ponctuelle. Les résidents secondaires permettent un entretien du bâti - ce qui ne va pas toujours sans certaines dérives - de même que la perpétuation d'un tissu social et de certaines institutions. Les résidents secondaires favorisent le maintien de bribes de tissu social dans des sociétés fortement désertifiées comme Saint-Martin. La gestion de la vie politique par les résidents secondaires signifie que la commune continue à avoir une existence officielle qui agit comme un garant de la reconnaissance de l'existence de ces communes au sein de la société française.
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L'étude de deux communes distantes de plusieurs centaines de kilomètres et se situant dans des contextes sociaux et démographiques différents donne plus de sens à l'analyse du phénomène dans son ensemble.<br />La collecte des données se déroula de 1993 à 1997. Les séjours réguliers rendent compte d'une certaine évolution des communes observées et des familles rencontrées. L'observation de deux communes complétées par les expériences de recherche précédentes ou concomitantes sur d'autres thèmes mais toujours dans le monde rural français donne un aspect beaucoup plus nuancé à la recherche globale et permet d'établir des distinctions entre le cas général et particulier. L'inscription au sein du séminaire interdisciplinaire des ruralités contemporaines de l'Ecole des hautes études à Paris rendit possible des échanges sur leur perception du monde rural et en particulier des résidents secondaires auxquels ils s'intéressèrent aussi . La rencontre de géographes et de sociologues ruraux impulsa une dynamique à l'ensemble de la recherche en élargissant le cadre des réflexions. <br />Le but de cette thèse était de comprendre pourquoi certaines personnes éprouvaient le besoin de posséder un deuxième logement, leurs activités, ce que cette résidence secondaire leur apportait effectivement malgré les contraintes inhérentes à sa possession et les obstacles financiers. Le deuxième aspect était de rechercher les raisons du choix d'une résidence secondaire dans des zones peu ou pas touristiques. <br />Le cas de Chavannes est celui d'un village en train de se périurbaniser, peuplé d'habitants au mode de vie plus banlieusard que rural. Les résidents secondaires venus à la recherche du rural apparaissent parfois décalés par rapport à la réalité. Ils sont en quête d'un monde disparu, qui s'est profondément urbanisé dans les mentalités. Toutefois, à mon sens, ils continuent de jouer un rôle dans la promotion et le brassage des idées, parfois simplement par leurs interrogations. Il est néanmoins probable que dans des zones de ce type le nombre des résidences secondaires soit appelé à régresser au profit des nouveaux habitants du rural.<br /> A Saint-Martin, les résidents secondaires apparaissent aussi comme décalés par rapport à la réalité. Eux aussi arrivent nourris d'images ou d'idées sur la campagne qui n'ont plus cours parce que disparues. Les résidents secondaires doivent ici combler un vide, insuffler une vie à un espace en profonde mutation physique, dont la fonction change. Les résidents secondaires jouent et joueront nécessairement un rôle de premier plan dans ce nouvel usage, mais il est aléatoire de chercher à en percevoir toutes les implications.<br />Etudier les résidents secondaires dans deux communes distinctes fut l'occasion d'observer des résidents secondaires aux motivations et désir d'implication, assez proches mais dans deux contextes diamétralement opposés. De fait, c'est effectivement lors de l'analyse des relations établies avec la société locale que la comparaison prend toute sa pertinence. La flexibilité du rôle des résidents secondaires selon la société d'accueil et les besoins exprimés put ainsi être mise en exergue. Chavannes, où les résidents secondaires se sont peu à peu désimpliqués en apparence, est caractéristique d'une société qui croît de nouveau. Néanmoins, malgré le désir perceptible de marginaliser la population des résidents secondaires, le besoin de disponibilité des personnes pour assurer l'entretien de la commune est tel que les résidents secondaires sont en fin de compte acceptés, pour peu qu'ils masquent leur secondarité. En ceci, les deux communes ne sont finalement pas si différentes que cela puisque toutes deux puisent dans les résidents secondaires pour subvenir aux besoins des communes en bénévoles.<br />Les points centraux de comparaison qui apparaissent entre les deux communes sont, en premier lieu, la convergence des aspirations des urbains, quel que soit le milieu d'accueil. Dans les deux communes, la résidence secondaire répond à un besoin de mémoire fabriquée le cas échéant, de convivialité, de ressourcement, d'identité même, autant que d'espace. Ces besoins sont révélateurs en négatif de l'insatisfaction produite par les villes quelle que soit leur taille. Ce besoin d'espace d'interconnaissance et de convivialité se retrouve dans les deux communes avec la création ou recréation de fêtes qui servent ici avant tout à célébrer un entre soit que les habitants tentent de fédérer. A travers ces deux terrains d'enquête, la résidence secondaire apparaît aussi comme un support privilégié de la vie familiale.<br />Les divergences portent essentiellement sur la place des résidents secondaires au sein de l'espace rural. Les deux terrains mettent en évidence qu'il n'existe pas un seul mais des espaces ruraux au devenir opposé, comme le montre le cas de Saint-Martin qui se débat pour continuer à exister politiquement et socialement, tandis que Chavannes, lui, cherche des solutions pour ne pas devenir une cité dortoir. <br />La résidence secondaire apparaît nécessaire pour l'équilibre de vie de ses propriétaires et c'est cette nécessité même qui est révélatrice de lacunes du monde urbain, qui ne sont pas seulement imputables à l'habitat, puisque des résidents secondaires, même en milieu rural, peuvent vivre en appartement, ni à la seule présence ou absence d'un jardin, et donc la possession d'espaces verts, certains s'en passant fort bien.<br />Le constat qui peut être établi est que la résidence secondaire présente un atout pour l'avenir des espaces ruraux, mais un atout limité. Ainsi que le montre le cas de Saint-Martin, elle ne constitue pas en soi une réponse à une situation de désertification mais elle apporte une réponse ponctuelle. Les résidents secondaires permettent un entretien du bâti - ce qui ne va pas toujours sans certaines dérives - de même que la perpétuation d'un tissu social et de certaines institutions. Les résidents secondaires favorisent le maintien de bribes de tissu social dans des sociétés fortement désertifiées comme Saint-Martin. La gestion de la vie politique par les résidents secondaires signifie que la commune continue à avoir une existence officielle qui agit comme un garant de la reconnaissance de l'existence de ces communes au sein de la société française. 1998-12-06 FRE PhD thesis Université de Nanterre - Paris X