Approches épidémiologiques de l'évaluation du risque sanitaire lié à l'exposition alimentaire à l'Ochratoxin A

Contexte et objectif de la recherche: La réalité et l'importance des effets sanitaires de l'exposition à l'ochratoxine A (OTA), une mycotoxine ubiquitaire de l'alimentation, posent encore aujourd'hui de nombreuses questions. L'évaluation du risque lié à l'OTA s...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Counil, Emilie
Published: INAPG (AgroParisTech) 2005
Subjects:
Online Access:http://pastel.archives-ouvertes.fr/pastel-00001669
http://pastel.archives-ouvertes.fr/docs/00/50/01/69/PDF/These_ECounil_Finale.pdf
Description
Summary:Contexte et objectif de la recherche: La réalité et l'importance des effets sanitaires de l'exposition à l'ochratoxine A (OTA), une mycotoxine ubiquitaire de l'alimentation, posent encore aujourd'hui de nombreuses questions. L'évaluation du risque lié à l'OTA s'est en effet jusqu'ici essentiellement fondée sur des travaux expérimentaux chez l'animal (néphrotoxicité et cancérogénicité), en raison notamment de difficultés méthodologiques inhérentes à l'étude des risques faibles d'une part et à l'étiologie des affections rénales d'autre part. Notre objectif global est d'apporter de nouveaux éléments qualitatifs et quantitatifs dans l'évaluation du risque lié à l'OTA, ce en adoptant des approches d'observation et de modélisation. Matériels et méthodes: Nos recherches s'inscrivent dans les populations française, pour laquelle les résultats de l'évaluation de l'exposition interrogent les méthodes utilisées, et tunisienne, dans laquelle d'une part une affection rénale chronique de type interstitiel et idiopathique est suspectée par certains néphrologues d'être endémique et liée à l'OTA. D'autre part les conditions climatiques et les habitudes alimentaires favoriseraient le développement de moisissures productrices d'OTA et l'exposition à cette toxine. Nous développons trois approches épidémiologiques : (1) une description de l'incidence des insuffisances rénales chroniques terminales traitées (IRCT) en Tunisie sur la période 1992-2001 s'intéressant notamment aux pathologies primaires (en particulier : néphropathies interstitielles) et aux variations régionales ; (2) un travail de modélisation de l'exposition de la population française avec étude de sensibilité relative à la variabilité des données de contamination et de consommation et à l'incertitude liée au modèle ; (3) la mise en place d'une étude épidémiologique de type transversal et multicentrique en population tunisienne, le protocole OTARI (OTA, Tunisie, Alimentation, Rein, Investigation), dans lequel l'exposition à l'OTA et d'éventuels effets néphrotoxiques infra-cliniques sont recherchés à l'aide d'indicateurs et de marqueurs biologiques. Principaux résultats: (1) La transition épidémiologique décrite en Tunisie est visible au niveau rénal via l'évolution de l'incidence de l'IRCT au cours des 10 dernières années. En effet, nous observons une importance considérable quoique décroissante des pathologies primaires d'origine infectieuse et une augmentation forte des cas liés à une affection chronique (diabète ou hypertension artérielle). Les causes interstitielles sont également en forte progression, possiblement liées à des expositions toxiques (médicaments et mycotoxines). La prépondérance des causes indéterminées et un accès encore inégal aux soins spécialisés limitent toutefois l'interprétation. (2) La variabilité des données de contamination par l'OTA peut être prise en compte dans l'évaluation de l'exposition par des approches probabilistes de type non-paramétrique, et en choisissant un modèle avec tirage des valeurs de contamination par « occasion de consommation » dans le cas de populations évoluant dans un système agro-alimentaire complexe. Par ailleurs, moyennant l'application d'une méthode de réduction de la variance intraindividuelle des ingérés, trois jours non-consécutifs de consommation suffisent à l'estimation de l'exposition usuelle de la population française à l'OTA. En revanche, l'utilisation de biomarqueurs est recommandée au niveau individuel. (3) L'étude pilote OTARI réalisée sur un échantillon de 59 personnes suggère une exposition faible dans la population d'étude et interroge sur la généralisation de cette tendance à la population tunisienne, sur un effet de calendrier (année et mois), ou sur l'existence de « poches » d'exposition encore à identifier et reliées à des situations de mono-consommation et de précarité générale des conditions de vie. Conclusion: Dans l'ensemble, nos résultats, tant méthodologiques qu'opérationnels, suggèrent que l'exposition à l'OTA est faible dans la population française et ne constituerait un facteur de risque potentiel pour certaines néphropathies en population tunisienne qu'en cas de cumul de conditions défavorables au maintien de l'intégrité rénale. Les normes sanitaires relatives à l'OTA illustreraient-elles un certain « paradoxe de la précaution » ?