Summary: | Les Streptocoques Béta-hémolytiques du groupe A (GAS) sont responsables de manifestations cliniques variées et de séquelles non suppuratives comme notamment le rhumatisme articulaire aigu (RAA). Les affections sévères à GAS tuent plus de 500.000 personnes chaque année. Le pouvoir pathogène du GAS est encore mal compris. Il semble être notamment lié à la présence de nombreux gènes codant pour des facteurs de virulence dans le génome du GAS, dont celui codant la protéine emm. La protéine transmembranaire M joue un rôle essentiel dans la virulence du GAS. Le typage moléculaire des GAS se base sur la séquence de la partie hypervariable de ce gène (emm-typing). L’épidémiologie du GAS semble varier au cours du temps et en fonction de la localisation géographique et/ou du contexte socio-économique. Cependant, les différences dans les critères d’inclusion des différentes études épidémiologiques disponibles dans la littérature rendent les comparaisons difficiles.
Pour mieux évaluer ces variations, nous avons mené une analyse prospective de l’épidémiologie clinique et moléculaire d’isolats de GAS provenant d’enfants présentant une infection à GAS, simultanément en deux localisations géographiques différentes (Bruxelles et Brasília, Brésil).
Un des points importants de notre étude a été la mise en évidence de la diversité génétique de la protéine M des isolats belges et brésiliens. Alors que de nombreux emm-types différents sont retrouvés à Brasília (48 emm-types sur 128 isolats), ceux retrouvés à Bruxelles sont relativement peu nombreux (20 emm-types sur 200 isolats) et sont ceux communément retrouvés dans les pays industrialisés. Afin de mieux comprendre les bases moléculaires de cette différence, une analyse phylogénétique basée sur la quasi-totalité de la séquence de la protéine M exposée à la surface de la bactérie a été réalisée. Cette analyse a permis de montrer que les emm-types belges sont génétiquement éloignés les uns des autres alors que les emm-types brésiliens sont génétiquement plus proches. De manière intéressante, cette analyse a montré que les souches belges présentent une grande diversité au niveau de la région de la protéine M dite ‘constante’. En conséquence, la diversité génétique globale des protéines M belges et brésiliennes est similaire, mais elle se situe dans des régions différentes de la protéine M, ce qui pourrait indiquer l’existence de pressions de sélection différentes entre les deux pays. D’un point de vue vaccinal, ces résultats indiquent qu’un vaccin dirigé contre certaines des parties constantes de M présenterait une bonne couverture théorique dans les deux pays. Par contre, le vaccin 26-valent, en cours d’évaluation clinique, aurait une couverture théorique de 76% à Bruxelles et de 32% à Brasília.
Notre analyse phylogénétique a également permis de montrer que la non-sensibilité à la ciprofloxacine (observée dans 22,5 % et 9% des souches belges et brésiliennes respectivement) survient dans des souches génétiquement éloignées, contrairement à ce qui est proposé actuellement dans la littérature. De plus, nous avons mis en évidence un polymorphisme au sein des gènes codant les topoisomérases cibles de la ciprofloxacine. L’identification de mutations responsables du phénotype de non-sensibilité nécessite par conséquent une confirmation expérimentale.
Les manifestations cliniques sont assez différentes entre Bruxelles et Brasília. Les infections cutanées sont beaucoup plus fréquentes à Brasília. De manière intéressante au Brésil, des souches de GAS présentant un tropisme cutané sont isolées du pharynx. Ces souches ‘cutanées’ pourraient avoir acquis des déterminants génétiques leur permettant de se développer dans des tissus pharyngés. De plus, ces résultats pourraient remettre en question le postulat que seules les souches de tropisme pharyngé sont impliquées dans le développement du RAA. D’autres études épidémiologiques dans des pays où le RAA est endémique devront être réalisées afin de préciser nos résultats et de mieux comprendre les mécanismes moléculaires menant au développement du RAA.
Cependant, étant donné la prévalence du RAA et l’accès limité au diagnostic microbiologique des pharyngites dans le réseau public de soins au Brésil, nous avons développé un score clinique permettant de limiter les traitements antibiotiques chez les enfants probablement atteints de pharyngites virales. L’utilisation de ce score permettrait de réduire le nombre de prescriptions antibiotiques dans les pharyngites de l’enfant de 41 à 55% à Brasília.
Le choc toxi-infectieux est une pathologie relativement rare et le RAA n’est quasi plus décrit dans les pays développés. Cependant, deux nourrissons ont présenté un choc toxi-infectieux suivi d’un RAA (HUDERF, Bruxelles). A notre connaissance, cette association clinique n’a jamais été décrite. L’analyse de ces deux cas du point de vue de la virulence bactérienne a révélé la présence de nombreux gènes de facteurs de virulence, portés par des phages et différents dans les deux souches. Nos résultats illustrent la complexité de la relation hôte-pathogène.
La capacité des bactéries à s’adapter à leurs hôtes et à causer des pathologies dépend de nombreux facteurs, qui varient d’un isolat à l’autre, et dont l’importance varie d’un hôte à l’autre. Notre travail a permis d’exemplifier la diversité génétique des GAS, aussi bien au niveau du gène emm qu’au niveau des facteurs de virulence, et de l’implication de ceux-ci dans le développement de pathologies streptococciques rares.
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