La prononciation du français contemporain en Belgique : variation, normes et identités

Cette dissertation doctorale constitue une étude sociolinguistique visant à évaluer le rôle des identités régionales dans la variation linguistique observable sur l'axe diatopique (ou géographique), en Belgique francophone. Nous avons essayé de démontrer que si la variation diatopique dans les...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Hambye, Philippe
Format: Others
Language:fr
Published: Universite catholique de Louvain 2005
Subjects:
Online Access:http://edoc.bib.ucl.ac.be:81/ETD-db/collection/available/BelnUcetd-03112005-144224/
Description
Summary:Cette dissertation doctorale constitue une étude sociolinguistique visant à évaluer le rôle des identités régionales dans la variation linguistique observable sur l'axe diatopique (ou géographique), en Belgique francophone. Nous avons essayé de démontrer que si la variation diatopique dans les communautés francophones contemporaines était parfois considérée comme non pertinente, c'était principalement parce que cette forme de variation était souvent appréhendée dans une perspective n'envisageant pas d'autre source de différenciation topolectale que celle due à l'influence des langues de substrat. C'est pourquoi nous avons proposé une approche renouvelée de la variation diatopique, fondée sur l'idée de la structuration sociale de l'espace : cette approche consiste à concevoir la variation diatopique comme le reflet de l'existence de collectivités associées à des entités géographiques particulières et instituant des normes linguistiques qui leur sont propres au sein du « marché linguistique » dans lequel prennent place les pratiques sociales de chacune de ces collectivités. La variation diatopique résulte en ce sens de différences relatives aux attitudes des locuteurs et à l'identité qu'ils partagent ou non avec certaines collectivités régionales ; elle n'est pas simplement la conséquence de la diversité des substrats dialectaux. Nous avons intégré cette conception de la variation diatopique dans un cadre théorique plus large, essentiellement dans le but de pouvoir cerner l'imbrication fondamentale des faits de variation liés à l'axe géographique d'une part, et à l'axe socio-économique ou socio-culturel d'autre part. Ceci nous a amené revoir des concepts sociolinguistiques traditionnels comme celui de variété régionale. Nous avons souhaité illustrer l'intérêt de ce cadre théorique à travers l'analyse de quatre variables phonologiques (l'assourdissement des consonnes sonores finales, l'allongement vocalique, la prononciation de /r/, le statut et le comportement des schwas). Ces variables ont été étudiées sur la base d'enregistrements d'un échantillon d'informateurs contrasté selon l'origine géographique, le niveau de scolarité, l'âge et le sexe des locuteurs. De manière générale, ces analyses nous ont conduit à revoir la place des attitudes et des aspects identitaires dans l'explication de la variation linguistique : nous avons ainsi montré qu'il était nécessaire d'interpréter le comportement linguistique des individus en tenant compte non seulement des pratiques linguistiques qui sont courantes dans l'environnement social immédiat du locuteur (et qui forment son parler « vernaculaire »), mais aussi de son orientation vers certains modèles normatifs associés à différents groupes définis en termes géographiques ou socio-culturels. Nous avons par ailleurs mis en exergue l'influence de la trajectoire sociale des locuteurs sur leur positionnement en faveur de certains groupes de référence et sur l'adoption de normes linguistiques données qui est en le corollaire. Notre recherche nous a permis, d'une part, d'actualiser la description de la prononciation du français en Wallonie et à Bruxelles et, d'autre part, de mieux comprendre les processus de divergence qui conduisent les locuteurs à préférer dans certains cas le respect des normes endogènes (régionales) à l'adoption inconditionnelle des normes standard. / This doctoral dissertation is a sociolinguistic study aiming to evaluate the role of regional identities in the linguistic variation observable at the geographic level, in French-speaking Belgium. We tried to show that geographic variation in francophone communities is often viewed as non relevant because it is explained in a restricted way which considers the influence of the rural dialects as the sole source of regional differentiation. This is the reason why we proposed a renewed approach of geographic variation, based on the idea of the social structuration of space: this approach states that geographic variation results from the existence of collectivities associated with particular geographic entities and setting up specific linguistic norms within the “linguistic market” where each collectivity's social practices take place. In fact, regional variation reflects inter-individual differences regarding the speakers' identities and attitudes towards their local community; it is not simply the consequence of the diversity of dialectal substrata. We conceived this approach of geographic variation within a larger theoretical framework, in order to understand the relation between the effects of geographic and socio-economic or socio-cultural factors on linguistic variation. This implies a redefinition of several linguistic concepts (ex. regional variety). We illustrated the interest of our theoretical framework through the analysis of four phonological variables (final consonants devoicing, vowel lengthening, pronunciation of /r/, status and behavior of French schwas). These variables were studied on the basis of recordings from a speaker sample composed of individuals from different geographic origin, educational background, age and gender. Globally, our analyses led us to evaluate anew the importance of identity and linguistic attitudes in the explanation of linguistic variation: we showed that it was necessary to interpret individuals' linguistic behavior not only in the light of the speaker's social environment (which determines his “vernacular” speech) but also through his orientation towards some normative models associated with groups defined in geographic or socio-cultural terms. Moreover, we underlined the influence of speakers' social trajectories on their orientation towards certain reference groups and on the correlative adoption of given linguistic norms. Our research allowed us to actualize the description of the pronunciation of French in Wallonia and in Brussels on the one hand, and, on the other hand, to better understand the processes of divergence which lead speakers to prefer in certain circumstances the adoption of endogenous (regional) linguistic markers instead of the unconditional respect of standard norms.