Summary: | Attestée depuis lAntiquité, la littérature dite des recettes connaît un développement sans précédent à partir du bas Moyen Âge : entre le VIIIe et le XVIe siècle, ont été produits des centaines de manuscrits contenant des instructions artistiques. Parmi ces ouvrages, le Manuscrit de Strasbourg - objet de notre thèse de doctorat occupe une place remarquable. Il passe en effet pour lun des plus anciens exemples de cette littérature qui ait été rédigé en langue allemande.
Le manuscrit original a disparu lors de lincendie qui ravagea la ville de Strasbourg dans la nuit du 24 août 1870. Le texte nous est néanmoins connu grâce à une copie manuscrite réalisée au XIXe siècle, à lattention de Charles Eastlake, pour les besoins de sa célèbre contribution, Materials for a History of Oil Painting. Plus tard, les travaux dErnst Berger puis ceux de Viola et Rosamund Borradaille permettent lédition des recettes artistiques du Manuscrit de Strasbourg. Depuis, le recueil est fréquemment cité par les spécialistes et reconnu comme le pendant nordique du célèbre Libro dellArte de Cennino Cennini.
Notre thèse livre une nouvelle étude du Manuscrit de Strasbourg, qui tient non seulement compte de cet écrit mais aussi de tous les témoins apparentés de son texte. Ainsi, nous avons pu envisager la question de la diffusion du texte de Strasbourg et, par là même, celle de son influence au sein de la littérature des recettes artistiques. Notre démarche se fonde sur une mise en parallèle et une comparaison systématique de tous ces réceptaires en envisageant tour à tour lhistoire et les caractéristiques physiques de ces manuscrits, leur texte et leur mode de diffusion, mais aussi leurs données techniques respectives. Ces trois angles de vue - historique, textuel et technologique - ont été abordés dans trois parties distinctes de notre thèse.
En guise de prolégomènes, nous nous intéressée à lenvironnement culturel et littéraire dans lequel le Manuscrit de Strasbourg a été rédigé et diffusé. Il nous fallait en effet mettre en évidence les spécificités de la littérature dite « spécialisée », à laquelle appartiennent les ouvrages de notre corpus, mais aussi rendre compte de lintérêt et de la richesse des données quelle peut fournir, tout en soulignant ses limites.
La seconde partie de notre thèse a consisté en létude des manuscrits de notre corpus, selon une approche historique et descriptive. Nous nous sommes dabord consacrée au Manuscrit de Strasbourg ; nous intéressant dune part à la structure du recueil et à ses sources potentielles, dautre part à sa localisation chronologique et géographique originale. Étant donné quil sagissait dune étude largement fondée, non pas sur le manuscrit original, mais sur une copie moderne, il convenait également dévaluer la fiabilité de ce dernier document. Après quoi, nous avons fourni une description globale des réceptaires de la famille de Strasbourg. Celle-ci consiste non seulement en un examen codicologique, mais aussi en une présentation des diverses uvres et des domaines quils abordent en parallèle de leur réceptaire artistique. Dans la mesure du possible, la provenance et les pérégrinations de ces ouvrages, depuis leur lieu de réalisation jusquà leur lieu de conservation actuel, ont été retracées. Dans le dernier chapitre de cette seconde partie, nous nous sommes intéressée au texte du Manuscrit de Strasbourg en tant que tel et à sa diffusion dans les autres livres de recettes. Létude préalable de ces manuscrits a en effet laissé apparaître que seule une partie de leurs données respectives est analogue à celui du recueil disparu. Il sagissait donc de délimiter clairement le contenu commun des témoins de la famille de Strasbourg, désormais nommé la « tradition de Strasbourg ».
La troisième partie de notre thèse fournit une nouvelle édition du texte du Manuscrit de Strasbourg qui sappuie non seulement sur la copie dEastlake et les contributions dErnst Berger et de Viola et Rosamund Borradaile, mais aussi sur une confrontation entre les contenus similaires des différents témoins de sa tradition. Cette analyse comparative des différents textes de la famille de Strasbourg a eu pour but de souligner les variantes présentes dans les autres manuscrits de la tradition en vue dévaluer la meilleure leçon. Cette démarche nous a permis dobserver les éventuels passages erronés ou lacunaires qui contrarient la lecture du texte du Manuscrit de Strasbourg. En outre, elle permet dappréhender les modifications et les altérations quil a pu encourir au fil du temps et des copies.
Linterprétation et les commentaires technologiques des recettes du Manuscrit de Strasbourg qui font lobjet de la quatrième partie de notre thèse. Nous y présentons les méthodes décrites au sein du Manuscrit de Strasbourg avant de les comparer avec les instructions analogues qui apparaissent dans les réceptaires de la famille. Outre une meilleure connaissance du contenu technique du recueil faisant lobjet de notre étude, nous avons pu souligner lensemble des procédés spécifiques au Manuscrit de Strasbourg, ceux qui le distinguent et le caractérisent à la fois.
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