Jeunes femmes en voyage : une expérience tunisienne

Si de nombreuses études ont été consacrées au tourisme d’un point de vue masculin et masculiniste (Johnston, 2001), les caractéristiques des femmes touristes et leurs expériences, quant à elles, ont été moins bien cernées. Pourtant, le tourisme féminin est en augmentation constante et s’accompagne d...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Stéphanie Laporte
Format: Article
Language:fra
Published: Presses de l'Université du Québec 2003-03-01
Series:Téoros
Subjects:
Online Access:http://journals.openedition.org/teoros/1829
Description
Summary:Si de nombreuses études ont été consacrées au tourisme d’un point de vue masculin et masculiniste (Johnston, 2001), les caractéristiques des femmes touristes et leurs expériences, quant à elles, ont été moins bien cernées. Pourtant, le tourisme féminin est en augmentation constante et s’accompagne du développement de services de voyage spécialisés, que ce soit sous la forme de revues féminines spécialisées, de sites Internet, de forums d’échanges, de destinations spécifiques, de tours organisés ou de clubs de voyage. Les études contemporaines consacrées aux touristes occidentales ont surtout porté sur l’analyse de leurs voyages dans les pays du Sud et sur leur quête d’expériences sexuelles ou romantiques, que ce soit en Jamaïque (De Albuquerque, 1998 ; Pruitt et Lafont, 1995), aux Barbades (De Albuquerque, 1998 ; Karch et Dann, 1981), en Équateur (Meisch, 1995) ou en République dominicaine (Herold, Garcia et DeMoya, 2001), et elles ont mis en relief leurs modalités de séduction et de rencontres sexuelles. Cependant, ces études présentaient généralement le point de vue des hommes qui entraient en relation avec des voyageuses, ignorant ainsi les motivations et les expériences spécifiques des femmes. De plus, quand elles se limitent au tourisme sexuel, les recherches ne permettent pas de saisir la diversité des motivations et des expériences de voyage des femmes, comme le suggèrent les travaux de Netzley (2001) et de McGehee, Loker-Murphy et Uysal (1996). Dans une telle perspective, la présente étude exploratoire vise à dégager les expériences touristiques de neuf étudiantes québécoises, célibataires, âgées en moyenne de vingt-deux ans, qui ont effectué un voyage de onze jours en Tunisie, et de saisir leur inscription en tant que femmes dans ce contexte socioculturel à la fois marqué par la tradition musulmane et ouvert sur un tourisme international important. Nous avons utilisé plusieurs approches pour dégager les perceptions et les expériences des participantes dans le contexte de ce voyage, dont la méthode de l’observation-participante, l’auteure de ce texte ayant participé au voyage. Pendant le voyage de retour en avion, l’observatrice a également demandé à toutes les participantes de noter les expériences importantes qu’elles avaient vécues dans le but de constituer un aide-mémoire qui servirait aux entrevues ultérieures. Les expériences de voyage d’étudiantes québécoises en Tunisie, telles que rapportées lors d’entrevues, mettent en relief les caractéristiques des chocs culturels qu’elles ont expérimentés. Ces caractéristiques ont moins porté sur le climat, la géographie ou les problèmes de langue que sur la sphère de la qualité des interactions avec les hommes et les femmes et les différences d’ethos associées aux contrastes dans la construction du rapport au regard et aux contacts physiques, de même qu’aux variations dans les codes de séduction et de pudeur. Ainsi, les modes de communication non verbale liés au regard et au toucher qui sont plus dominants dans l’aire arabo-musulmane semblent être perçus par les étudiantes comme des formes de harcèlement, sinon d’agression, ce qui confirme les hypothèses de Watson (1970), de Watson et Graves (1966) et d’Argyle et Dean (1965). Les étudiantes ont par ailleurs expérimenté une vaste gamme de relations avec les hommes intéressés à développer des relations amicales, romantiques ou plus ouvertement sexuelles et provenant en particulier des « dragueurs » ou du personnel associé au monde touristique. Ces données suggèrent que les modèles d’interaction avec la population locale demandent à être étudiés dans un cadre plus large que celui défini par l’opposition entre « tourisme sexuel » et « tourisme romantique » (Sanchez-Taylor, 2001) et à inclure d’autres modalités. En outre, cette étude révèle particulièrement  l’importance d’étudier les modalités de contacts des femmes avec d’autres femmes qui peuvent révéler des contrastes importants dans le rapport aux vêtements, au corps et à son dévoilement. À cet égard, l’expérience du hammam est significative des oppositions dans les règles d’expression de la pudeur dans les sphères publique et privée et met en relief les modalités contrastées d’inscription des femmes dans les contextes socio-sexuels québécois et tunisien.
ISSN:0712-8657
1923-2705