Summary: | Ces dernières années ont vu se développer de manière exponentielle les travaux sur la frontière entre l’homme et l’animal, vieille question désormais soumise au prisme du posthumanisme. Métaphysique, cette frontière est également matérielle, car toute frontière suppose une appropriation humaine de l’espace. Or que se passe-t-il quand c’est l’animal qui franchit la frontière, qui investit les lieux qui lui ont été barrés par la clôture, et quand l’être humain imagine lui aussi ce qui se passe derrière la barrière – dans le territoire sensoriel de la vie animale ? Dans cet article, j’interroge la césure instable entre l’humain et la bête et ses modes de spatialisation, à travers l’investissement croisé de l’humain dans le territoire animal et de l’animal dans l’espace humain. Je pars pour cela du Roman de Renart, qui met en scène une galerie d’animaux anthropomorphisés évoluant alternativement entre territoire sauvage et espaces domestiqués et passant constamment de traits humains à animaliers. Je propose d’aborder des textes théoriques contemporains sur l’animalité sous l’angle de la littérature médiévale et, suivant l’invitation des auteurs du Renart, de voir notre monde par les yeux d’une bête. À rebours d’une démarche d’objectivité surplombante, j’envisage l’écriture de l’animalité non comme dépassement, mais comme réinvestissement de la frontière entre l’humain et l’animal, par imagination et désappropriation de l’espace.
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