Summary: | Dans cette contribution, nous nous proposons d’analyser les moyens langagiers et les stratégies discursives par lesquels les combattants de la Première Guerre Mondiale construisent dans leurs correspondances un éthos « poilu ». L’analyse d’un corpus d’à peu près 1500 lettres nous permet d’avancer l’hypothèse que les lettres des « poilus » contiennent un discours de contestation du conflit mondial qui passe principalement par la construction d’une image groupale à travers laquelle les scripteurs entendent non seulement faire surgir leur point de vue sur la guerre et sur leurs conditions de vie dans les tranchées, mais aussi poser des frontières entre eux et les autres. Pour montrer nos propos, nous analyserons, dans un premier temps, le dispositif énonciatif, à savoir certains emplois des pronoms personnels et les marques d’hétérogénéité énonciative repérables au fil des discours ; dans un deuxième temps, nous prendrons en compte les cas où nos scripteurs font usage de mots et d’expressions issus de l’ « argot poilu » et les fonctions que cet argot remplit dans les lettres ; dans un troisième temps, nous observerons le rôle joué par les antithèses inscrites dans le tissu narratif des lettres et qui voient les poilus s’opposer aux ennemis, à la société civile et, enfin, aux officiers. Dans la conclusion nous plaiderons pour la nécessité d’une réflexion ultérieure sur les relations entre marques langagières et discursives et construction discursive de l’éthos : il nous semble en effet que les analyses montrent que les contraintes d’ordre interdiscursif et intradiscursif, ainsi que le genre textuel auquel les textes appartiennent doivent être pris en compte pour juger de la pertinence de certaines catégories d’observables plutôt que d’autres.
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