Préférences pour les couleurs chez le macaque de Barbarie ("Macaca sylvanus")

À l'instar d'une grande majorité des primates non-humains, nous appréhendons le monde en couleurs. La vision trichromatique permet de distinguer la couleur rouge alors que les autres mammifères sont dichromates et ne distinguent pas le rouge du vert ou du bleu. La vision trichromatique est...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Prune Lagner
Format: Article
Language:English
Published: Société Francophone de Primatologie 2015-03-01
Series:Revue de Primatologie
Subjects:
Online Access:http://journals.openedition.org/primatologie/2228
Description
Summary:À l'instar d'une grande majorité des primates non-humains, nous appréhendons le monde en couleurs. La vision trichromatique permet de distinguer la couleur rouge alors que les autres mammifères sont dichromates et ne distinguent pas le rouge du vert ou du bleu. La vision trichromatique est très utile pour cueillir les fruits rouges dans un environnement de feuillages ou déterminer la période d'ovulation des femelles par un afflux de sang dans les parties du corps concernées. Les études menées en laboratoire ont montré que les couleurs vert et bleu tendent à être préférées par les primates humains et certains Singes de l’Ancien Monde comme le macaque rhésus. Les chimpanzés et les gorilles montrent également une préférence pour des objets vert et bleu au détriment des objets rouges. Cela peut être dû à sa fonction de signal social. Par exemple chez les mandrills, plus un mâle a le nez rouge, plus il est dominant et agressif et moins les autres défient son autorité. Chez le macaque rhésus, le rouge est également un signal de dominance car le macaque évite de prendre de la nourriture provenant d’une personne habillée en rouge alors qu’il prend de la nourriture provenant d’une personne habillée en vert ou en bleu. Qu’en est-il des préférences pour les couleurs chez le macaque de Barbarie ? C’est précisément l’objet de notre étude. Il est intéressant de noter que les macaques de Barbarie n’ont de rouge sur aucune partie de leur corps. Ainsi, des signes de réponses d’aversion du rouge pourraient être considérés comme l’indice d’un ancien biais évolutionnaire préexistant plutôt que le reflet de réponses spécifiques à chaque espèce dû à l’utilisation du rouge pour signaler la dominance. Pour ce faire, 21 macaques de Barbarie (10 mâles et 11 femelles) ont été étudiés sur le site du Cèdre Gouraud, proche d’Azrou (Maroc) pendant 8 semaines. L’étude était divisée en deux parties. La première partie comprenait un dispositif expérimental et la seconde une observation comportementale. Le dispositif expérimental était composé de boîtes de couleurs, rouge, vert et bleu où la couleur rouge est systématiquement comparée à vert ou à bleu. Un individu pris isolément avait la possibilité de venir chercher de la nourriture posée sur deux boîtes de couleurs différentes. La couleur de la boîte sur laquelle la nourriture est prise en premier est enregistrée pour chaque essai pour un total de 12 essais par individu. La seconde partie de l’étude était consacrée à l'observation comportementale pour déterminer si le comportement des macaques différait lors d’interactions avec des personnes vêtues principalement de bleu, de vert ou de rouge. L’étude consistait à enregistrer les comportements des macaques classés en trois catégories : anxiété, agressivité, soumission. Pour le dispositif expérimental, les résultats ne montrent aucune différence significative entre les trois couleurs pour le groupe dans son ensemble de même que chez mâles et femelles analysés séparément. Pour l’observation comportementale, seuls les mâles montrent tendanciellement plus de comportements anxieux envers les touristes vêtus de vert. Les résultats sont discutés en fonction de la littérature sur les théories évolutionnistes et des études de laboratoire portant sur les préférences pour les couleurs chez les primates humains et non-humains.
ISSN:2077-3757