Summary: | Le tourisme a longtemps été perçu comme une caractéristique de la modernité occidentale, les non-Occidentaux ne pouvant être que des « tourees » — une composante passive et résignée de la ressource touristique. À présent organisé, le tourisme de masse touche de larges populations qui ne l’avaient auparavant jamais connu. Ce phénomène recèle la potentialité d’une dynamique impliquant à la fois la subjectivité des individus appartenant aux sociétés dans lesquelles le tourisme se développe, et les pays qui commencent à exporter du loisir vers des populations ayant accès depuis peu à cette mobilité. Or ces populations ont une vision des loisirs et une interprétation des lieux différentes de celles des Occidentaux. La compréhension des pratiques touristiques de ces populations et l’observation, à travers leur regard, de paysages qui nous sont familiers peut nous obliger à revoir nos idées sur l’ « homme-moderne-en-général ». Le présent article explore les conditions d’émergence d’un tourisme chinois à grande échelle vers l’Europe et les représentations de la modernité, du voyage et de l’Europe qui l’accompagnent. Il s’agit de confronter ces représentations avec celles, communément acceptées, qu’a l’Europe d’elle-même. La première partie de l’article examine le lien entre les migrations internationales et la modernité dans les discours qui circulent en Chine dans le grand public, ainsi que les images de l’Europe qui ont été produites dans le contexte de la « nouvelle littérature migratoire ». Dans la seconde partie, est abordée l’émergence du tourisme et l’on s’y interroge sur la manière dont les représentations contradictoires qui en résultent peuvent changer à l’avenir l’image qu’ont les Chinois de l’Europe. <br> Tourism has long been seen as an attribute of Western modernity, in which the non-Western subject can only be the ‘touree’ that copes with its consequences. Yet organized, commercialized mass tourism is spreading to vast populations that had not known it previously. This has potentially momentous consequences both for subjectivities in the societies in which tourism is emerging and for the countries that become exporters of leisure to newly mobile non-Western populations — whose ideas of leisure and interpretations of places may be different from those in the West. Understanding the tourist practices of these populations, and seeing familiar landscapes through their eyes, may force us to revise our ideas of ‘modern-man-in-general’. This article looks at the background of the emergence of large-scale Chinese tourism to Europe and at the views of modernity, travel, and Europe that will come with it to confront Europe’s accepted representations of itself. The first part of the article discusses the link between international migration and modernity in contemporary Chinese public discourse and the images of Europe that have been produced in the context of ‘new migrant literature’. The second part looks at the emergence of tourism and asks how the resulting contested representations may be changing the Chinese view of Europe.
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