Summary: | En janvier 1507, les « apparitions de la Vierge » dans le couvent dominicain de Berne commencent à défrayer la chronique. L’affaire des visions de Jean Jetzer se déroule sur fond de querelle immaculiste entre dominicains et franciscains. Les dominicains du couvent de Berne ont eu l’idée de créer des apparitions de la Vierge de toutes pièces au moyen de déguisement et de machineries de théâtre pour faire croire à la conception maculée de Marie contre leurs détracteurs franciscains. Leur chef de file est le prieur du couvent, Johannes Vatter, assisté de trois autres accolytes, le sous-prieur, Franz Ueltschi, le maître en théologie et lecteur Stephan Boltzhurst, l’administrateur Heirich Steinegger. La machination qu’ils orchestrent érige de la sorte en visionnaire patenté un novice à la crédulité éprouvée, Jean Jetzer, victime de leur complot. L’affaire défie la chronique et provoque la rumeur. La ville de Berne où elle se déroule est toute proche de la Bâle du Concile (1431-1449) qui a déclaré l’Immaculée Conception « doctrine pieuse et conforme au culte de l’Église » (session du 17 septembre 1439) comme de la Bâle du Formicarius – somme démonologique de répression de la sorcellerie – composée en 1435-1437 par le prieur des dominicains, Jean Nider, sur la base des conclusions de l'inquisiteur Pierre de Berne. La « fiction » de Berne témoigne des stratégies théologiques à l’égard des révélations et des miracles dans la controverse de l’Immaculée Conception. Si elle relève ici de l’affabulation volontaire, elle montre aussi l’usage qui pouvait être fait du discours visionnaire et de son nécessaire discernement à la toute fin du Moyen Âge. L’ensemble de ce dossier exceptionnel permet dès lors de saisir l’instrumentalisation des révélations qui ont pris une importance nouvelle dans les querelles théologiques de l’Immaculée Conception à la fin du Moyen Âge.
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