Summary: | Mobilis é comme médecin pendant la Première guerre mondiale, Edouard Pichon est resté en relation épistolaire avec son oncle et collaborateur pour l’Essai de grammaire de la langue française, Jacques Damourette. Dans une série de missives de l’année 1915, il lui fait part des études qu’il mène sur les dialectes et les langues régionales. A partir de listes de mots et de paradigmes de conjugaison, il cherche à retrouver dans les formes du picard, du franco-provençal, du catalan et du languedocien la preuve d’une permanence de la mentalité française à travers ses différents parlers. Mettant à contribution ce qu’il entend chez les habitants du Santerrois et sollicitant comme informateurs les militaires des unités dans lesquelles il est affecté, il revient à une approche philologique en étudiant le provençal dans Mirèio de Mistral. Utilisant une notation phonétique idiosyncrasique, Pichon a une approche différentialiste. Il conçoit les dialectes comme l’interprétation prosodique, « affective », d’une même langue, le français, dont la fonction « représentative » resterait constante par l’effet d’un atavisme racial. Ainsi la grammaire devient l’illustration d’une théorie qui fait des langues, et des rapprochements entre elles, la preuve d’une transcendance des propriétés de race sur les formations sociales. S’il y a des affinités entre le français, l’occitan, le breton et l’alsacien, ce n’est pas un effet de contact mais la rémanence d’un substrat biologique commun. A ce titre, Pichon s’oppose à la vision historiciste de Gaston Paris en romanistique comme aux principes sociologiques d’Antoine Meillet.
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