Summary: | La question posée est de savoir ce que faire silence veut dire dans le contexte d'une pratique artistique des couleurs et du coloris. Pour aborder cette question d'un point de vue poétique, les modalités de silence sont comprises au sein de dispositifs mis en œuvre lors d'expériences singulières.
La première de ces modalités, celle qui prend sens dans ma propre pratique artistique, est celle d'une méditation sur la vision des couleurs. Pour la décentrer par rapport à mon travail en photographie, il m'apparait que dans l'histoire même de la compréhension de la couleur au XVIIIe siècle, l'expérience de Buffon est exemplaire. Distincte du dispositif de l'experimentum crucis de Newton, son expérience perceptive au coucher du soleil dans la nature, une méditation silencieuse et féconde le conduit à définir des esquisses et des fictions perceptives qu'il désignera comme étant des « couleurs accidentelles », des effets sans véritables causes newtoniennes et, pourtant, bien ancrées dans le réel, celui des « couleurs naturelles ». Cette modalité méditative du silence, libérant l'imagination, celle des « ombres colorées », s'avère ouverte sur la construction de la connaissance. La fertilité de cette notion de « couleurs accidentelles » est connue : la notion de couleurs complémentaires (début XIXe siècle) suivie des expériences artistiques bien connues qui, elles-mêmes, ont ouvert la porte à l'invention de nouveaux coloris picturaux et, de cette manière, à de nouvelles fantasmagories.
Fort différente de cette modalité indéniablement ouverte, se définit une modalité de silence essentiellement conclusive. A mon sens, elle est particulièrement exemplifiée dans les dispositifs télévisuels actuels, ceux des écrans dans lesquels importe le noir.
De ce point de vue la série TV The Walking Dead, depuis 2010, engageant une longue danse macabre de dix saisons avec une multitude de zombies, s'appuie sur une modalité conclusive du silence : dans ce cas, le silence est un effet de fin de monde, un effet sans avenir.
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